Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Saturation des urgences, sortir de l’impasse
À la une Les services d’urgences, miroir des dysfonctionnements de notre système de santé : le sujet était au coeur du dernier débat du Club santé
Quatorze millions de passages en 2004, 20 millions en 2011, 26 millions prévus en 2020. Véritable pivot de l’organisation sanitaire, les services d’urgences – 650 au total en France – ne cessent de voir le nombre de leurs patients augmenter. Régulièrement, les médias se font ainsi l’écho de la situation dramatique à laquelle ces services sont confrontés, notamment pendant les périodes d’épidémie saisonnière. Images à l’appui: des brancards alignés dans les couloirs, des professionnels de santé qui s’affairent, au bord de la crise de nerf, des personnes âgées mutiques que la vie semble avoir déjà quitté, des familles qui, sans nouvelles de leurs proches, s’impatientent jusqu’à agresser les soignants… Pour expliquer ce phénomène, la tentation est grande de pointer du doigt les comportements des usagers, souvent stigmatisés par les autorités de santé ; on évoque ainsi leurs exigences nouvelles, leur désir de services disponibles rapidement et à toute heure pour répondre à des inquiétudes plus qu’à de vraies urgences, la paupérisation aussi, qui inciterait à se tourner vers ces services perçus (à tort) comme gratuits puisque pratiquant le tiers payant… Mais tout ceci ne serait-il pas l’arbre qui cache la forêt ?
« On ne pourra pas refuser des patients »
Pour essayer de mieux appréhender le phénomène, nous avons invité les adhérents du Club santé à échanger, dans le cadre du deuxième débat de 2018 du Club santé de Nice-Matin, autour du thème: «Urgences saturées : diagnostic et traitements ». Étaient ainsi réunis au siège du journal des experts de cette thématique, femmes et hommes de terrain pour la plupart. Et ce n’est pas à l’usager qu’ils ont fait porter la responsabilité de la situation des urgences; tous l’ont définie comme un miroir des dysfonctionnements du système de santé. Fermeture de lits dans certains services compliquant l’hospitalisation non programmée, hôpitaux incités à être de plus en plus performants, développement à marche forcée de l’ambulatoire, précarisation du médecin généraliste en ville, désertification dans certaines zones, permanence de soins défaillante, défaut de formation à la gériatrie quand la population française ne cesse de vieillir depuis 20 ans, politique en faveur du maintien à domicile même pour les plus vulnérables… Il n’y a pas un, mais des dizaines de facteurs qui permettent d’expliquer pourquoi les urgences sont aujourd’hui en tension. Si aucune solution miracle à l’engorgement des urgences n’a émergé de ces débats, des éléments de réponse ont été proposés, qui permettent déjà de desserrer l’étreinte. Avant de vous les laisser découvrir, citons ces quelques mots de Pierre-Marie Tardieux, responsable de l’unité mobile de gérontologie du CHU de Nice. « Si, avec la fermeture des lits, il doit un jour rester un seul service à l’hôpital, ce sera le service des urgences. Peut-être, ne sera-t-il plus nommé ainsi mais plutôt service d’accueil en urgence... Mais, il ne pourra jamais refuser des patients.»