Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’AOC Côtes de Provence colosse aux pieds d’argile
Leader mondial du rosé, l’appellation Côtes de Provence affiche une croissance à deux chiffres. Mais après la sécheresse de l’été 2017, les acteurs ont pris conscience de la fragilité de la filière
Ce devait être l’année du quarantième anniversaire de l’appellation. Ça l’a été. Mais 2017 restera avant tout gravée dans les mémoires des vignerons des Côtes de Provence comme l’année d’une « sécheresse sans précédent ». C’est par ces mots qu’Éric Pastorino, président du syndicat de l’AOC Côtes de Provence, a d’ailleurs commencé son discours lors de l’assemblée générale de l’appellation, mardi après-midi à Correns. Certes, avec des chiffres à l’export en très forte progression et des cours qui se sont envolés, « la situation économique reste très favorable », mais cette petite récolte – 12 % de volume en moins par rapport à 2016 – tombe mal, alors que la demande en rosé ne cesse de progresser. « Trop de vin à vendre, c’est dangereux, mais trop peu, cela peut être encore pire », a martelé Éric Pastorino. Et de rappeler que la préférence du syndicat allait à « une valorisation régulière et continue ».
La survie passe par l’irrigation
Cet épisode de sécheresse, « dont a beaucoup souffert notre capital végétal », glisse Éric Pastorino, semble en tout cas avoir convaincu le syndicat des Côtes de Provence du bien fondé de recourir à l’irrigation dans le futur. « Le dossier irrigation est majeur et stratégique pour notre appellation (...) Il en va de l’avenir viticole de notre département », a insisté le président de l’AOC Côtes de Provence. Conscient que l’investissement pour amener l’eau du canal de Provence jusqu’aux parcelles de vignes – 250 millions d’euros, dont un tiers serait à la charge des viticulteurs – fait naître quelques réticences, Éric Pastorino déclare : « J’aurais pu ne pas ouvrir ce dossier irrigation, je serais plus tranquille. Mais avions-nous la possibilité d’ignorer le sujet et d’hypothéquer l’avenir de nos jeunes vignerons ? » Autre sujet quelque peu sensible : l’environnement. « Les attentes de la société civile en la matière sont importantes, nous ne pouvons plus les ignorer. Nous devrons amener des réponses », reconnaît Éric Pastorino.
Nécessaire montée en gamme
Mais plus question d’intégrer des mesures agro-environnementales dans le cahier des charges de l’appellation, comme évoqué un temps l’an dernier. Une marche arrière ? « On n’avait pas pris conscience de la complexité des contrôles associés à ces mesures. Ça aurait été trop lourd pour les vignerons dont le rôle est avant tout d’être dans les vignes et les caves », explique le président de l’AOC Côtes de Provence. Avant d’évoquer la norme HVE, ou haute valeur environnementale, comme « une alternative crédible ». Cette prise en compte des questions environnementales contribuera d’ailleurs à la montée en gamme des Côtes de Provence. Une nécessité, une obligation même pour l’appellation si elle veut rester « la référence mondiale en matière de rosé ». On l’aura compris, si avec un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros, en progression constante depuis des années, la filière affiche une belle santé, ce succès est un combat de tous les jours.