Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Richard Bergon : « J’aimais les personnes qui manifestaient »
Figure incontournable de Saint-Tropez où il est peintre sur le port, Richard Bergon évoque Mai 68 avec un brin de nostalgie.
« J’avais 18 ans, dit-il, j’étais en fin d’apprentissage à l’usine des torpilles (située sur la commune de Gassin, NDLR). La date des examens avait été reportée, on n’allait plus à l’usine. On nous avait dit de rester tranquilles pour ne pas se faire remarquer, mais ça m’intéressait, je suis allé faire deux manifs à Cogolin et sur le port. » Le tout jeune homme, encore mineur à l’époque, se souvient de l’admiration qu’ont suscitée chez lui les leaders du mouvement
étudiant : « J’étais encore un gamin. J’étais estomaqué par l’ambiance à Paris, les pavés, les affrontements, les AG et les prises de parole. Je regardais ça à la télévision. J’étais fier de ceux qui se battaient. Ça m’a appris que les jeunes pouvaient parler, s’exprimer ».
Luttes syndicales et éducation politique
Mai 68 a également éveillé sa conscience : «Ça m’a appris les luttes syndicales et ça m’a éduqué politiquement. J’ai travaillé jusqu’à 40 ans à l’usine et j’ai toujours milité après à la CGT. On faisait 83 % des voix aux élections ». Il cite aussi les évolutions engendrées par
ce printemps mouvementé : «Ilyaeudestas de changements. Les ouvriers ont obtenu 30 % d’augmentation des salaires. Nous, les apprentis, nous avions eu le droit d’avoir les cheveux longs, de fumer à l’usine. Il y avait une petite liberté de plus pour ceux qui sont arrivés en apprentissage après nous ». Alors bien sûr, il ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la situation actuelle et les mouvements de grève chez les cheminots, les agents hospitaliers, etc. « On était dix-huit chaque année à entrer en apprentissage, on a tous appris un métier, on avait un avenir, aucun de nous n’a mal tourné. C’était une formation de qualité. D’ailleurs, il y a eu des tas de Meilleurs Ouvriers de France dans toutes les professions de l’usine des torpilles. Aujourd’hui, il ne reste que des ingénieurs sur place, expliquet-il avec contrariété. Mon inquiétude, ce sont les attaques contre les droits de ceux qui travaillent, contre le service public, contre les statuts. On le voit de plus en plus aujourd’hui… Je suis moderne, mais je regrette cette époque. Mon coeur est resté à gauche, c’est parti de Mai 68. J’aimais les personnes qui manifestaient, je les sentais proches de moi. »