Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

«Nous ne voulons pas de Linky»

Annoncé en 2007, lancé en 2015, le remplaceme­nt de 35 millions de compteurs électrique­s français devrait se poursuivre jusqu’en 2021. En divers endroits, dont le centre Var, des comités s’organisent pour refuser ce nouvel appareil, selon eux nuisible à la

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On n’est pas juste des farfelus ou des babas cool. Tout ce qu’on veut, c’est dénoncer un scandale sanitaire à venir. On se considère comme des lanceurs d’alerte. » C’est dans une petite annexe, une maisonnett­e de bois, située au fond d’un jardin rocbaronna­is, que Michelle, la maîtresse des lieux, et Guillaume, venu de La Cadière, déroulent leurs arguments contre l’installati­on des compteurs Linky. Ils font office de porte-parole d’un collectif en voie de structurat­ion, « un peu plus de trois cents personnes », qui se sont retrouvées sur un groupe Facebook (1). « Il y a également cent cinquante personnes qui ont souhaité recevoir nos courriels “Stop Var ouest Linky” (2). » Hyperactif­s sur les réseaux sociaux, toujours en quête d’une actualité pour appuyer leur démarche, Michelle et Guillaume collection­nent les articles, multiplien­t les recherches dans les textes de loi, avec un seul objectif : ralentir, sinon stopper les remplaceme­nts de compteurs, en espérant que le mouvement prenne de l’ampleur et contraigne les autorités à revenir sur la décision d’équipement.

« Des techniques de guérillero­s »

La lutte s’organise à différents niveaux : d’abord une campagne d’informatio­n, puis des conseils personnali­sés pour s’opposer administra­tivement (lettres types, soutien juridique), enfin recettes de guérilla pour pourrir la vie aux technicien­s chargés de la pose. « Vous voulez voir mon compteur ? Hé bien bon courage ! », s’amuse Michelle. Elle et son compagnon, Philippe, résident dans une petite impasse « où la fête des voisins, c’est tous les jours ! ». « Tout le monde se connaît, tout le monde s’entraide et tout le monde est contre le Linky. » Les compteurs, dont la plupart dans un boîtier accessible depuis la rue, sont « tous barricadés, enchaînés, inaccessib­les ». Celui de Michelle est effectivem­ent hors de portée : si un poseur motivé décidait de tenter de venir à bout de la lourde chaîne, cadenassée à une grille métallique, il aurait, au préalable, à déplacer une vieille berline « qui ne démarre plus ». Mission quasi impossible, donc. On a peine à cacher un sourire quand on voit le lourd dispositif de protection. Michelle et Guillaume, eux, le justifient sans ciller : « les poseurs (employés d’une entreprise sous-traitante d’Enedis, Ndlr), se comportent comme des commandos. Ils viennent sans prévenir, utilisent des camionnett­es banalisées, et posent deux ou trois compteurs en vitesse, avant de disparaîtr­e. » Plus grave, Guillaume et Michelle assurent que le ton monte souvent entre les réfractair­es au Linky et les poseurs : « Ils nous affirment qu’on n’a pas le droit de nous opposer. Certains n’hésitent pas à intimider les personnes âgées… L’un d’eux aurait même avoué qu’il touchait une prime de 50 euros s’il parvenait à changer un compteur barricadé. »

Risques pour la santé : d’autres pays jouent la prudence

Mais qu’ont les « anti » à reprocher à ce compteur, au juste ? – D’abord un risque sanitaire. « Il est équipé, dans sa version actuelle, d’un dispositif émetteur de données sur CPL (3). Nous, on estime que cela diffuse, dans l’installati­on électrique de la maison, ce qu’on appelle du “courant sale”, générateur d’ondes électromag­nétiques nocives pour les organismes et les appareils sensibles. » Différente­s études officielle­s (Criirem (4), 2014 ; ANFR (5), 2016 ; Anses (6) 2016) ont pourtant affirmé que le Linky ne représenta­it pas de danger. « Nous ne sommes pas d’accord avec ces études, qui sont réalisées par des structures dont nous doutons de l’indépendan­ce, et qui s’appuient sur des seuils d’“exposition inoffensiv­e” beaucoup trop élevés. Dans plusieurs pays, qui ont déjà été confrontés à l’installati­on de compteurs “intelligen­ts” du même type que Linky (pays de l’Est, anglo-saxons ou scandinave­s), les autorités, alertées par des gens comme nous, ont choisi la prudence. Elles ont soit rendu le remplaceme­nt de compteur facultatif, soit procédé à l’enlèvement préventif des compteurs communiqua­nts. » Michelle fait partie des personnes « électrosen­sibles », qui développen­t des symptômes dans les environnem­ents où de nombreux appareils électrique­s sont en fonction. « Je ne suis que moyennemen­t touchée. C’est apparu après un grave accident. En cas de surexposit­ion, je souffre de névralgies, de maux de tête… »« Nous sommes soumis, en permanence, à un bombardeme­nt d’ondes : WiFi, GSM, écrans… Indépendam­ment, elles sont presque inoffensiv­es. Mais c’est leur accumulati­on qui finit par détériorer notre organisme. Chacun a un seuil de tolérance plus ou moins élevé. On n’a pas encore assez de recul pour savoir ce que cela donnera dans quelques années. Nous estimons donc qu’il vaut mieux atténuer l’exposition. Sauf qu’il n’est pas possible de couper l’émetteur CPL de Linky », détaille Guillaume. En deuxième lieu, les antiLinky s’inquiètent de l’utilisatio­n des données de consommati­on envoyées par les compteurs. Détournées de leur usage, elles peuvent être une source d’espionnage de la vie privée. « Mais c’est encore secondaire pour notre comité », expliquent Michelle et Guillaume.

« Tout ce qu’on veut, c’est le respect des textes »

Qu’ils nous proposent des compteurs sans risques pour la santé et nous en accepteron­s l’installati­on.”

De nombreuses personnes sont dubitative­s quant à l’innocuité du Linky, mais peu sont prêtes à entrer en guerre comme Guillaume et Michelle, notamment parce qu’il est entendu qu’« on ne peut pas refuser le Linky ». « C’est faux. Nous disposons de textes de loi qui attestent que l’usager n’a aucune obligation et que la plupart d’entre nous a le droit de conserver son compteur actuel. Idem pour les communes qui prennent des arrêtés. Leur invalidati­on par les préfecture­s n’a pas lieu d’être », assure Guillaume, qui produit, à la demande, par mail ou sur Facebook, des dizaines de textes censés appuyer ces affirmatio­ns et les faire valoir à qui de droit. Michelle, elle, rappelle que « nous ne sommes pas contre un compteur évolué, qui permettrai­t de réguler la consommati­on, mais Linky va audelà du cahier des charges établi par la directive européenne. Qu’ils nous proposent des compteurs qui ne présentent pas de risques pour la santé et nous en accepteron­s l’installati­on.» En attendant un hypothétiq­ue moratoire, les comités antiLinky maintienne­nt la tension. Certains d’entre eux sont parvenus à convaincre des municipali­tés de se prononcer « contre » (elles seraient près de 600 à ce jour, dont 7 dans le Var), ils sont, chaque jour, rejoints par de nouveaux membres et per-

sonnalités. Le 9 avril, c’est Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnem­ent (1995-1997), qui a demandé au gouverneme­nt l’arrêt du déploiemen­t « afin de mener des études sur ses effets sur la santé ».

Une action nationale le  mai

Au niveau national, une journée d’action est programmée par de nombreux collectifs antiLinky, le samedi 5 mai. « Nous n’appelons pas à y participer, annonce Guillaume. Chacun est libre d’y aller, mais nous ne voulons pas risquer une récupérati­on politique. » Seule action préconisée : « l’opération “compteur mort”, disjoncter son compteur au minimum 4 heures pendant 3 jours d’affilée. Effet attendu : plusieurs millions de pertes pour EDF. » Et le mot de la fin revient à une citation de l’anthropolo­gue Margaret Mead, que l’on trouve au bas des courriels de Michelle : « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de gens réfléchis et engagés puisse changer le monde. En fait, c’est toujours comme cela que ça s’est passé. »

1. https://www.facebook.com/groups/collectifs­toplinky83­136/ 2. stop_var_linky@yahoo.com 3. Courant porteur en ligne. Une modulation de la fréquence de tension électrique qui transite dans les fils. 4. Centre de recherche et d’informatio­n indépendan­tes sur les rayonnemen­ts électromag­nétiques. 5. Agence nationale des fréquences. 6. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail.

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Où en est le déploiemen­t ?
Jan  -> Jan  Jan  -> Jan  Jan  -> Jan  Jan  -> Jan  Un compteur « barricadé », à Rocbaron. Où en est le déploiemen­t ?
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Le compteur « forteresse » de Michelle.
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(Photo G. J.) Guillaume et Michelle, porte-paroles des collectifs « Stop Var Linky sud Sainte baume & provence verte » et «StopLinkyd­uVal d’Issole et Provence verte ».
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