Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Joël Dicker: «L’imaginatio­n est un muscle qui se stimule»

La Disparitio­n de Stephanie Mailer est le premier des six ouvrages en lice pour le prix des lecteurs de la Fête du livre du Var, à Toulon. Un opus de 635 pages renouant avec les codes du roman policier

- PROPOS RECUEILLIS PAR E.E. eespejo@nicematin.fr

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oël Dicker magnétise les regards. À 32 ans, l’écrivain suisse au regard espiègle est bien reparti pour être catapulté en tête des ventes avec son roman La Disparitio­n de Stephanie Mailer. Un quatrième opus qui met en scène la réouvertur­e d’un vieux cas criminel, troublant la quiétude d’une bourgade américaine. Le Genevois a la mécanique bien huilée pour happer sans difficulté, dès les premières pages, ses lecteurs. Rencontre avec cet écrivain dont les livres se dévorent.

Vous écrivez depuis votre enfance. Vous considérez-vous encore comme un jeune écrivain ?

Qu’est-ce qui fait que je suis plus écrivain qu’avant ? J’ai eu une période de doute. Il m’a fallu du temps pour comprendre que l’écriture est mon identité. On est artiste, qu’on le veuille ou pas. Ce qui compte c’est ce que cela apporte. Un plaisir. Un moment qu’on ne peut pas me prendre.

Dans La Disparitio­n de Stephanie Mailer, vous laissez une très grande place à l’imaginaire. Est-ce là, la recette du succès ?

Il faut laisser le contrôle au lecteur. Il imagine ainsi un monde, par rapport à ses sentiments. Chacun va voir son livre, son interpréta­tion. La littératur­e est une création de votre esprit. Elle naît de ce que vous avez vécu. Elle permet de chercher des émotions que vous construise­z.

Ce quadruple meurtre est-il inspiré d’un fait réel ?

Le crime est inventé, en revanche le cadre est réel. J’avais envie d’être crédible. J’ai donc posé le décor, celui de mon enfance, dans une région que je connais bien, la côte estamérica­ine. Enfant, j’étais un mauvais élève en classe. Je faisais des boulettes de papier et les cachais dans le ventre de mon bureau, avec la crainte que mon professeur les découvre. Chaque fin d’année scolaire, je le vidais avec soulagemen­t en me promettant qu’à la rentrée je travailler­ai bien. L’été, lorsque je partais aux USA, j’avais l’impression que tout était possible. Je pouvais rêver à tout ce que je voulais. En situant l’intrigue sur la côte est, j’ai retrouvé ce sentiment de liberté.

Vous livrez une intrigue très riche. Pourquoi autant de personnage­s ?

Le plus intéressan­t est de s’interroger sur les êtres humains. Pourquoi font-ils ce qu’ils font. C’est ce qui éveille l’envie. C’est mon défi. L’enjeu est d’arriver à définir un juste milieu entre une exagératio­n suffisante mais pas de trop afin de garder la curiosité du lecteur.

Vous vous identifiez à eux ?

Je les invente, donc ils ont forcément une partie de moi en eux. Parfois, c’est épuisant d’avoir autant de personnage­s autour de soi. Là, ils sont vraiment la force du livre. Si le lecteur ne s’identifie pas, ce n’est pas bon.

Construire un roman de 635 pages avec une structure à base d’analepses paraît complexe... La double temporalit­é n’est pas une complicati­on mais une simplifica­tion. Cela permet de relancer l’intrigue lorsque j’arrive au bout de l’idée. Je passe à la suivante que j’ai eu le temps de réfléchir, de maturer ce qui allait se passer. C’est un peu comme une roue qui tourne, qui attrape de l’eau, vide de l’eau. Ce que j’apprécie avec un roman c’est d’aller en avant et en arrière, de pouvoir cacher les défauts. Et réajuster. La première version comprenait 1 200 pages. Je pensais en faire deux tomes. Mais c’était beaucoup trop long, le dosage était compliqué J’ai dû reprendre, couper. Je ne m’amuserai pas autant si j’avais un plan.

Vous attrapez le lecteur dès la première page et suscitez la curiosité jusqu’à la dernière. Qu’est-ce qui vous guide ?

L’imaginatio­n est un muscle qui se stimule et grandit. Lorsque je raconte quelque chose, je ne suis plus là, je suis ailleurs. Le fil rouge c’est l’intrigue, l’enquête pour garder le lecteur. Tout le monde aime lire mais tout le monde ne le sait pas. Tout l’art est de donner, d’amener quelque chose, qui donne du sens après coup.

Quel livre vous a donné l’envie d’écrire ?

Le dernier loup d’Irlande d’Elona Malterre. Je l’ai lu à 12 ans et il m’a vraiment marqué. Ensuite, des ouvrages de Romain Gary, Marguerite Duras et Albert Cohen. Ils sont parmi les auteurs les plus importants pour moi.

Quel sera le thème de votre prochain roman ?

Il est possible que ce soit un livre sur mon éditeur. Je ne sais pas si je vais réussir à écrire sur quelqu’un qui me touche et le faire partager. La Disparitio­n de Stephanie Mailer, aux éditions De Fallois, 23

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Dans ce nouveau roman, Joël Dicker (ici lors d’une dédicace à Draguignan) alterne entre récit et flash-back.

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