Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

«Il fait chaud, les hommes se croient tout permis»

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Allongée sur la plage, pas très à l’aise sur les galets, Émilie garde le sac de ses deux copines. La plage, c’est tous les jours pour les trois jeunes femmes, âgées de 24 et 26 ans. Elles viennent de Tours et sont en vacances à Nice pour 15 jours. « À la plage, on est plutôt tranquille­s. On n’a jamais été ennuyées. En revanche, on sort beaucoup le soir et c’est compliqué. On est embêtées presque à tous les coins de rue et plus on avance dans la nuit, plus c’est lourd », maugrée la touriste. «Chez nous, les hommes sont moins pressants. Ou alors, c’est parce que c’est l’été, qu’on est en vacances, qu’on fait plus open comme ça entre filles. Il fait chaud et les hommes se croient tout permis. »

« Pourquoi ça ne m’arrive plus »

Margaux a 25 ans. C’est une jolie brunette, fine, au visage de madone. Rien de provocant. Une jeune femme libre, bien dans son temps, bien dans sa peau… Le harcèlemen­t de rue, elle a connu. Mais c’est « presque » terminé. « Entre mes 14 et mes 18 ans, c’était très régulier. Tout le temps même », assure cette Parisienne installée à Nice depuis un mois. Un homme qui l’a suivie jusque dans son ascenseur, un groupe de trois hommes qui menacent de la violer et la coincent dans le métro… Sans parler des paroles et des gestes déplacés. « À mes 20 ans, j’en suis venue à me poser une question débile: pourquoi ça ne m’arrive plus? Je plais moins?» Aujourd’hui, elle sait qu’elle prenait le problème à l’envers. «C’est terrible de se poser cette question. Comme si c’était une référence de se faire ennuyer dans la rue», dit-elle, calmement. « En fait, j’ai compris que c’est juste parce que j’avais plus d’assurance. Que je paraissais moins vulnérable. Et que ce genre d’hommes, des lâches, s’attaquent aux plus jeunes, des proies faciles. »

« Ils ne savent pas s’arrêter »

Cette assurance qui fait que désormais si un regard se fait insistant, elle ne baisse plus les yeux et affronte « froidement ». « Ça les calme. » Elle en est convaincue. Margaux estime aussi qu’il faut faire la différence entre un sourire ou un bonjour lancés dans la rue. « C’est mignon, ce n’est pas du harcèlemen­t. » Léa est d’accord avec elle. Cette Niçoise de 17 ans apprécie de se faire «gentiment draguer ». «C’est agréable ». Le souci, selon cette lycéenne, c’est que «de plus en plus », les garçons « ne savent pas s’arrêter». « Si tu es un peu sympa, ils deviennent tactiles. Et ça, c’est inadmissib­le. Surtout dans les bars en ce moment, les mecs ne connaissen­t pas de limites. L’alcool, ça aide à passer la vitesse supérieure, ça devient lourd. Et parfois vraiment déstabilis­ant et perturbant. » Les vacances, la chaleur, caution libératric­e ? Margaux n’y croit pas. « Ce n’est pas plus chaud en été. J’ai remarqué que c’est surtout une question de maquillage et de tenue. Si tu es apprêtée tu y as droit, été comme hiver. »

« Je pensais que c’était normal»

Dans le Vieux-Nice, Céline, 42 ans, se promène avec sa fille de 10 ans. Cette mère de famille est heureuse que les mentalités changent. « Quand j’étais jeune fille, je pensais que c’était normal. Le harcèlemen­t dans la rue, ça a toujours existé. On nous faisait comprendre qu’il fallait faire avec. Même si tu en parlais à un adulte, il te répondait : “oui ben, ça va t’es pas morte”. Ça ne choquait personne, bien au contraire. Ce qui choquait c’était si tu osais te plaindre. » Cette cadre qui travaille dans une banque sourit : « Ma fille va grandir dans une société où enfin on lui dira qu’un homme doit la respecter, qu’elle peut s’habiller comme elle veut, mettre une jupe courte l’été pour montrer ses jolies jambes, que c’est sa liberté de femme. Qu’elle n’a pas à supporter des remarques déplacées et encore moins de se faire toucher ou agresser avec des propos sexuels. »

 ?? (Photo d’illustrati­on Margaux Magnan) ?? D’un mot à un geste déplacé, l’été il n’y a qu’un pas... que certains hommes franchisse­nt plus facilement.
(Photo d’illustrati­on Margaux Magnan) D’un mot à un geste déplacé, l’été il n’y a qu’un pas... que certains hommes franchisse­nt plus facilement.

Newspapers in French

Newspapers from France