Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Je veux en découdre»
Stoppé en pleine ascension il y a un an, presque jour pour jour, le grand Charles Ollivon a enfin renoué avec la compétition. Il raconte sa traversée du désert et son envie décuplée
Je ne veux pas de traitement de faveur”
Tout est bien qui finit bien. Charles Ollivon est de retour à la compétition. Et, sur la base de ce qu’il a déjà réalisé, il devrait s’avérer une vraie plus-value pour le RCT cette année. Mais le mystère qui entourait depuis un an la blessure à l’épaule du jeune troisième ligne international de Toulon n’incitait pas vraiment à l’optimisme. Il faut dire que le grand Charles n’a pas contracté une blessure normale, l’an dernier, il y a presque un an jour pour jour, sur le premier choc d’un match de préparation contre Lyon. Déjà gêné depuis pas mal de temps par cette épaule, Ollivon a très vite compris que cette fracture « tordue » de l’omoplate allait lui pourrir la vie et la saison. Et effectivement, il a eu bien du mal à revenir, passé par tous les états d’âme lorsqu’il cherchait en vain une solution à son problème, finalement sauvé par un chirurgien de Muret et aujourd’hui ressuscité pour le rugby. « Une année entière sans rugby, ça fait réfléchir et aborder différemment les choses, les gens... On en retire toujours quelque chose », peut dire aujourd’hui Charles, la parole libérée et le regard brillant de ceux qui reviennent de loin...
Ce retour à la compétition face au Stade Français, ce n’est que du bonheur ?
Forcément, ces dernières semaines sont un grand plaisir pour moi. J’attendais ce match avec impatience pour valider toutes les étapes par lesquelles j’étais passé jusqu’à maintenant. C’est chose faite. C’est très positif. À la fin du match, j’étais comme un gosse. La suite me tarde...
Pouvez-vous évoquer en quelques mots ces étapes ?
C’était très compliqué. Tout est parti d’une rechute d’une blessure à l’épaule que je traînais. Alors que j’avais pris le temps nécessaire pour la rééducation et même plus que prévu, j’ai rechuté sur le premier contact en match amical, et la galère a commencé. J’ai fait le tour des médecins partout en France parce qu’on n’arrivait pas à déterminer comment opérer une fracture de l’omoplate, très complexe et jamais vue auparavant par les chirurgiens consultés. Il fallait que je trouve une solution. J’ai bataillé et il m’a fallu cinq mois pour arriver à une opération. Cinq mois, interminables dans ma situation.
Vous avez alors imaginé ne plus pouvoir jouer au rugby, à ans seulement ?
Des chirurgiens très reconnus, que je respecte à %, m’ont dit clairement que ce serait très compliqué de rejouer, donc j’ai pris beaucoup de coups sur la tête. Quasiment à chaque fois que je partais à Lyon, Marseille, Bordeaux, je revenais sans solution, et même avec plus de doutes. Mais je n’ai pas lâché et j’ai fini par trouver le chirurgien qui a bien voulu m’opérer à Muret, à côté de Toulouse. Je lui dois beaucoup, ne serait-ce que pour son travail préparatoire à deux opérations consécutives. J’ai dû encore patienter quelques semaines, et c’était très éprouvant mentalement même si évidemment je ne regrette rien.
Ce qui ne vous a pas tué, vous a-t-il rendu plus fort ?
Cette blessure m’aura marqué à vie et ne pourra que me rendre plus fort...
Qu’est ce qui vous a aidé à tenir, dans ces moments ?
Je suis un peu retourné au Pays basque voir ma famille mais je ne voulais pas, non plus, trop les polluer avec ça. J’étais donc surtout tout seul et je me suis un peu renfermé sur moi-même. Je ne venais plus au centre d’entraînement ni au stade. Je n’avais plus envie. Venir pour dire quoi ? « Comment ça va? »
Tout est un peu reparti en février?
Après une double opération en décembre, j’ai passé un mois au CERS de Capbreton et ensuite, je suis revenu ici. Mais à partir du moment où je m’étais fait opérer, j’étais reparti sur quelque chose de concret: une opération, de la rééducation, un vrai protocole, comme quand on soigne des choses simples.
Vous paraissez déjà particulièrement en forme...
J’ai eu pas mal de repos pour me régénérer et même me préparer. J’ai aussi continué à m’entraîner pendant les vacances pour arriver prêt. Forcément, je suis très impatient de jouer. Je veux en découdre, je veux avancer, j’ai de l’envie tout simplement...
Le capitanat offert par Patrice Collazo lors du match amical face au Stade français ?
J’ai été touché. Je l’ai pris comme une bonne expérience. Et cela m’a aussi aidé à penser à autre chose qu’à mon épaule, mais le principal est que j’ai repris du plaisir et que cela s’est bien passé. Maintenant, il faut aller plus loin.
Tous les feux semblent au vert?
Voilà ! Mais ce n’est pas mon genre de m’enflammer. Dans tous les cas, je vais rester concentré sur chaque étape à franchir.
Contre le Stade Français, c’était vraiment les premiers vrais contacts ?
Oui, et j’ai joué minutes. J’espère que je pourrai en disputer d’autres pour continuer à me rassurer et à rentrer dedans, et arriver plein fer pour la reprise contre le Racing.
Vous avez eu beaucoup d’appréhension ?
Un peu. Je l’avais avant match, et je ne l’ai pas encore complètement évcauée. Je me suis engagé, mais peut-être pas à %, comme je pouvais le faire avant. Mais là, ce n’est pas le plus important. Tant que ça tient et que je suis sur un vrai protocole. Je vais encore franchir des étapes ces prochains jours.
Pensez-vous avoir mûri pendant cette année blanche ?
Forcément, je ne suis plus le même. Pour moi, pour ma vie personnelle... Tu ne peux pas passer d’un moment où tout va bien (la saison d’avant, Ndlr) à un autre où tout va mal, puis même très mal, tout seul, sans que cela n’influe sur toi. Je ne voulais rien demander à personne, je ne pensais qu’à mon épaule, tout tournait autour de ça. Maintenant que je suis sur la voie de la guérison, tout est de nouveau ouvert. Je suis revenu au club, je revois les supporters, les copains...
Vous êtes-vous fixé des objectifs particuliers cette année ?
Le premier était de reprendre avec le club, puis de retrouver mes sensations. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas à % mais j’ai repris. Maintenant, mon objectif à court terme est de me libérer un maximum...
Vos coaches, Patrice Collazo et Juan-Martin Fernandez Lobbe, vous réservent-ils un traitement particulier ?
Ils ont compris que mon cas était spécial, mais je suis le premier à leur dire que je dois être jugé comme les autres. Maintenant, tout ça est derrière moi et je veux avancer comme tout le monde. Je ne veux surtout pas de traitement de faveur.
Les premières impressions sont bonnes ?
Oui. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai un peu l’impression de vivre le même début de saison qu’avec Diego Dominguez, avec qui je m’étais régalé il y a deux ans. Là aussi, je prends beaucoup de plaisir. On a perdu beaucoup de mecs, mais le groupe s’est un peu resserré. C’est vraiment sympa.
Le départ des monstres sacrés Vermeulen ou Lobbe en troisième ligne vous ouvre aussi un peu plus la porte. C’est votre tour, aujourd’hui ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais effectivement, le groupe a changé. Franchement, c’est intéressant.
La méthode Collazo vous va bien ?
Oui. Il est carré, strict, mais aussi très réfléchi. Moi, ça me plaît. On ne se jette pas à corps perdu dans des idées. On réfléchit. On regarde ses arrières. Ce sont des choses précises et tout est clair dans nos têtes, ce qui est important quand on se retrouve sur le terrain, pour pouvoir nous libérer plus facilement.
Avez-vous encore la coupe du monde au Japon en tête ?
Je veux déjà retrouver mes sensations à court terme. Et après, les objectifs viendront d’eux-mêmes, tout simplement...
Cette blessure ne pourra que me rendre plus fort”