Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Explosion et banalisation des actes antisémites
Edouard Philippe s’alarme de l’augmentation de 69 % des actes antisémites dans une tribune publiée sur Facebook. Qu’en est-il dans le sud-est de la France ?
C’était il y a quatrevingts ans, jour pour jour. Le 9 novembre 1938, les nazis livrèrent l’Allemagne à une nuit de violences dirigées systématiquement contre les synagogues, contre les magasins tenus par des Juifs, contre les habitations des Juifs. Le bruit sinistre des vitrines brisées a donné son nom à cet épisode terrible de l’histoire: la Nuit de cristal. »
Réseaux sociaux, la haine anonyme
Pourquoi rappeler, en 2018, un aussi pénible souvenir? Réponse d’Édouard Philippe dans une tribune publiée sur Facebook : «Parce que nous sommes très loin d’en avoir fini avec l’antisémitisme», s’alarme le Premier ministre. Les actes antisémites ont augmenté de plus de 69 % au cours des neuf premiers mois de 2018... Et il appelle « à ne pas rester indifférent ». «Je ne suis pas surpris de cette hausse. Elle est visible en France et aussi dans les AlpesMaritimes, même si le vivre ensemble y est important, même s’il y a une vraie prise de conscience et une prise en main exceptionnelle des élus, du préfet et des forces de l’ordre », réagit Jérôme Culioli, président du CRIF SudEst. Une véritable recrudescence et une banalisation aussi. « Par exemple, des selfies sur les réseaux sociaux, ces lieux de banalisation de la haine anonyme. L’autre jour devant la synagogue de Nice, quelqu’un s’est pris en photo avec écrit : “Ici, on est à Nice pas à Tel Aviv”. Des actes pour lesquels certaines personnes arrivent à se dire: ce n’est pas si grave. Les gens s’habituent, alors que pourtant oui, c’est grave, c’est de là que tout part », se désole-t-il.
Mouvements identitaires
Difficile de trouver les raisons de cette recrudescence cette année. Prudemment, le patron du Conseil représentatif des institutions juives de France avance une hypothèse. Qui n’explique pas tout... « On voit une résurgence des mouvements identitaires en France, mais aussi en Europe et cela touche aussi notre département. Très actifs à tous les niveaux, l’antisémitisme, mais aussi le racisme ou encore l’homophobie. » Autre explication, selon lui : « Peut-être une baisse de vigilance après une période de petite accalmie », avance-t-il. Après une année 2015 record, les actes antisémites avaient nettement reculé en 2016 (- 58 %). La décrue s’était poursuivie en 2017 (-7 %), selon Edouard Philippe. Le président du Crif Sud-Est assimile difficilement mais surtout avec circonspection le chiffre de + 69 %. « Je crains que cette hausse soit, en fait, en deçà de la réalité. Tous les actes antisémites ne donnent pas lieu à une plainte» , affirme Jérôme Culioli qui attend beaucoup du gouvernement. En préparation, notamment pour 2019 une modification de la loi afin de renforcer la lutte contre la cyberhaine. « Je pense qu’il faut réfléchir aux solutions spécifiques pour chaque haine. A mon sens chaque mal ne peut pas se régler de la même façon», conclut le patron du CRIF Sud-Est.