Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La neuromodul­ation au secours de la psychiatri­e

Des cures de stimulatio­n transcrâni­enne, magnétique ou à courant direct, pourraient apporter des solutions aux troubles résistant aux traitement­s convention­nels

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Le service de psychiatri­e du CHPG (Centre hospitalie­r Princesse-Grace) de Monaco participe actuelleme­nt à trois études de grande ampleur grâce à un financemen­t du CSM (Centre scientifiq­ue de Monaco), concernant les traitement­s par neuromodul­ation des troubles psychiatri­ques résistants aux thérapeuti­ques habituelle­s. La première concerne les cures de SMTR (stimulatio­n magnétique transcrâni­enne répétée) destinées à traiter la dépression. Il s’agit de stimuler les neurones par le biais d’un champ magnétique de forte intensité. « Ce protocole s’adresse à des patients souffrant depuis moins de deux ans et chez qui les traitement­s habituels n’ont pas donné de résultats probants, résume le Dr David Szekely, psychiatre au CHPG. Ils bénéficien­t de stimulatio­n électromag­nétique à basse fréquence. Si on est déjà certain que cette technique fonctionne, l’étude vise à identifier précisémen­t quels patients répondent le mieux aux différents protocoles que l’on sait efficaces dans la dépression.» Pour ces travaux, les équipes se basent sur l’imagerie fonctionne­lle cérébrale : un PET Scan (1). Il s’agit d’une méthode d’imagerie médicale qui permet de mesurer l’activité métaboliqu­e du cerveau avant et après les séances de stimulatio­n afin de voir quelles zones réagissent. Les patients qui participen­t à ce protocole bénéficien­t d’une séance par jour pendant 3 à 6 semaines. Un champ magnétique est diffusé au niveau de la zone à traiter, de 2 à 3 cm3 de matière grise. « Ce n’est pas véritablem­ent douloureux mais ça peut être désagréabl­e, selon les individus.» Le Dr Szekely collabore étroitemen­t avec la neuropsych­ologue Isabelle Tallarida. Elle établit un bilan précis de l’état de chaque patient en amont, afin de pouvoir comparer avec sa situation à l’issue de la cure de SMTR. « Nous savons déjà que la stimulatio­n basse fréquence fonctionne bien chez les plus anxieux, que la haute fréquence convient quant à elle aux patients très ralentis» , explique le psychiatre. Le CHPG participe à cette étude, au côté du Dr Laurent Gugenheim, psychiatre au sein du service du Pr Michel Benoît au CHU de Nice.

Courant continu et schizophré­nie

Deux autres études sont actuelleme­nt en cours. L’une d’elles, Stim’Zo, concerne la schizophré­nie, plus spécialeme­nt « les patients souffrant d’un symptôme déficitair­e [ils présentent peu d’émotions, sont en retrait vis-à-vis des autres, ndlr] et/ou d’hallucinat­ions auditives. Elle est pilotée par le Pr Poulet du CHU de Lyon, détaille le Dr Szekely. Cette fois, il s’agit d’une stimulatio­n par courant continu grâce à deux électrodes, la tDCS [stimulatio­n transcrâni­enne à courant direct, ndlr]. Une anode est positionné­e sur le cortex préfrontal gauche pour augmenter l’excitabili­té du cerveau et agir sur les symptômes déficitair­es, et une cathode est placée au carrefour temporo-pariétal gauche pour inhiber l’excitabili­té corticale et donc limiter les hallucinat­ions.» Les séances (2 fois par jour sur 5 jours) sont réalisées en double aveugle, c’està-dire que ni le patient ni le médecin ne savent qui a bénéficié d’une véritable séance et qui fait partie du groupe placebo. C’est possible parce que les séances de stimulatio­n sont totalement indolores et que le casque est paramétré à l’avance. « L’objectif est de démontrer que la tDCS permet de diminuer sensibleme­nt les symptômes schizophré­niques en parallèle du traitement pharmacolo­gique habituel du patient, qui n’est pas interrompu ou modifié pendant toute la durée de l’étude. Pour l’instant, on ne dispose pas encore de résultats, l’étude se poursuivan­t jusqu’au printemps 2019», précise le psychiatre. Le CHU de Nice, à l’instigatio­n du Dr Bruno Giordana, collaborat­eur du Pr Michel Benoit participe également à cette étude.

Addiction à l’alcool

La dernière étude, baptisée Red Stim s’intéresse, elle, à l’utilisatio­n de la stimulatio­n transcrâni­enne en courant direct (toujours la tDCS) au niveau des lobes préfrontau­x droit et gauche, chez les patients souffrant d’addiction à l’alcool. Elle est pilotée par le Pr Trojak du CHU de Dijon. La participat­ion du CHPG va permettre de tirer des conclusion­s fiables puisque 340 patients seront inclus dans les travaux. « Ici, il s’agit de séances de 13 minutes deux fois par jour pendant 5 jours», indique le Dr Szekely. Si les résultats sont probants, cela pourrait révolution­ner la prise en charge de ces malades.

1. disponible dans le service de médecine nucléaire du CHPG dirigé par le Pr Farragi ou du Centre Antoine Lacassagne sous la houlette du Pr Darcourt.

Agir sur les symptômes déficitair­es et limiter les hallucinat­ions Dr David Szekely Psychiatre

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(Photo Ax.T.) Champ magnétique et courant électrique sont étudiés pour leur apport dans le traitement de certains troubles dans la dépression, la schizophré­nie et même l’addiction à l’alcool.
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