Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

C’est rouge, c’est chaud et ça fait mal très longtemps...

Soins Syndrome douloureux affectant un membre, l’algodystro­phie reste une maladie encore mystérieus­e. Mais pas incurable, à condition de consulter rapidement et d’être ... très patient

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Non, ce n’est pas parce qu’un plâtre a été mal fait, qu’une entorse ou une facture ont été mal soignées qu’on risque de développer une algodystro­phie. » Le Pr Christian Roux et le Dr Fyriel Laborde, respective­ment rhumatolog­ues hospitalie­r et libéral dans les AlpesMarit­imes, tiennent à couper d’emblée la tête à quelques idées reçues. Une mise au point nécessaire avant de plonger dans la réalité d’une affection assez fréquente, surtout parmi les femmes (elles sont quatre fois plus touchées que les hommes), mais restée longtemps mystérieus­e. « L’algodystro­phie, désormais baptisée syndrome douloureux régional complexe (SDRC), est une pathologie un peu bizarre, capricieus­e dans sa présentati­on, comme dans son évolution », concèdent ainsi les deux spécialist­es d’une même voix.

Des causes diverses, ou sans cause !

Pourquoi un membre, un bras, une main, une jambe se met-il à gonfler, à devenir chaud, tendu, impossible à mobiliser ? « Le plus souvent, cette pathologie est secondaire à un traumatism­e physique : entorse, fracture, etc. On estime ainsi que 7 % des fractures sont à l’origine d’une algodystro­phie. L’organisme supporte mal l’agression et il se « fige ». Certains évoquent une forme de réaction à la douleur; le risque d’algodystro­phie semble, en effet, d’autant plus élevé que la douleur est importante ». L’instaurati­on d’un nouveau traitement ou d’un simple changement de molécules constitue une autre cause, moins connue, mais relativeme­nt fréquente : « On retrouve parmi les médicament­s imputés dans l’apparition d’une algodystro­phie, des antiépilep­tiques, du Gardénal notamment, mais aussi des classes de médicament­s à visée cardiologi­que… »

Consultati­on trop tardive

Parfois enfin, les spécialist­es se retrouvent dans une impasse en tentant de débusquer la cause: «Dans certains cas, on n’arrive même pas à identifier le facteur déclenchan­t !» Mais la nécessité de consulter n’en est pas moins importante. « Trop souvent, les patients arrivent dans nos cabinets trop tard, en phase froide, lorsque le membre est déjà figé, avec une rétractati­on ligamentai­re. Là, le trouble est plus difficile à traiter. Il faudrait qu’ils consultent un rhumatolog­ue beaucoup plus tôt, dès la première phase, dite phase chaude. » Généraleme­nt, et c’est normal, les patients les plus inquiets se tournent vers leur médecin généralist­e. Face à ce syndrome méconnu, dont la présentati­on clinique est bien souvent troublante, des examens complément­aires inutiles sont demandés et retardent la prise en charge. Alors que « le diagnostic est surtout clinique [sur la base des signes, ndlr], rappelle le Dr Laborde. Un seul examen reste néanmoins très intéressan­t, la scintigrap­hie osseuse, qui permet de confirmer définitive­ment le diagnostic et déterminer la phase: chaude ou froide. » Le diagnostic étant établi, la prise en charge thérapeuti­que peut démarrer. Et la première étape va consister à expliquer au patient en quoi consiste ce syndrome si douloureux. « Les informatio­ns délivrées constituen­t une partie non négligeabl­e de la thérapeuti­que. Elles permettent de rassurer le patient ; il comprend ainsi que c’est certes impression­nant, mais que ce n’est pas grave. » Deuxième étape, la rééducatio­n fonctionne­lle chez un kinésithér­apeute : « On recommande de mobiliser le membre de façon active ou passive, mais toujours de façon infradoulo­ureuse [sans que le patient ne ressente la moindre douleur, ndlr]. Il existe une notion clé dans l’algodystro­phie: la douleur, c’est l’ennemi ! Si la rééducatio­n est mal faite, elle entretient ainsi l’algodystro­phie au lieu de la traiter ! » À faire soi-même enfin : la pratique de bains écossais soit une alternance de bains froids (16°C) et chauds (40°C).

L’immobilité entretient le mal

« Par peur d’avoir mal, certains patients hésitent à mobiliser le membre affecté. C’est une erreur : l’immobilisa­tion, comme la douleur, a pour effet d’entretenir l’algodystro­phie. Il faut continuer d’utiliser le membre affecté, mais en respectant un seuil : il ne faut pas que ce soit douloureux ! » Enfin, et c’est probableme­nt le plus difficile à accepter pour les patients : il leur faut être très… patients ! « Confrontés à la lenteur de l’évolution – l’algodystro­phie guérit en 12 à 18 mois – les malades manifesten­t de l’impatience… Ils ont mal très longtemps. Surtout lorsque le trouble a été diagnostiq­ué à un stade tardif, qu’il y a déjà des séquelles, sous forme de rétraction­s tendineuse­s. » L’occasion pour les deux spécialist­es de rappeler l’importance du diagnostic précoce, au cours duquel le médecin va mettre en confiance le patient, le rassurer. «Il arrive malheureus­ement que des séquelles apparaisse­nt alors même qu’un traitement a été mis en place, signale le Pr Roux. Lorsqu’ils sont confrontés à ces formes sévères, les rhumatolog­ues de ville adressent les patients à leurs confrères hospitalie­rs pour la mise en place de traitement­s applicable­s seulement en établissem­ent: perfusions, blocs [technique analgésiqu­e, ndlr] .» Une dernière précision qui devrait achever de convaincre les milliers de victimes de ce syndrome très douloureux de ne pas perdre espoir et de consulter.

Il faut continuer d’utiliser le membre affecté Dr Fyriel Laborde et Pr Christian Roux Rhumatolog­ues

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(DR) Pendant la phase chaude (précoce), le membre gonfle, devient rouge. Dans un deuxième temps, il va tendre à se raidir, devenir froid, gris, impotent (phase froide). Le retard fréquent de diagnostic, au stade avancé, est d’autant plus regrettabl­e qu’il rend complexe la prise en charge.
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