Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
C’est rouge, c’est chaud et ça fait mal très longtemps...
Soins Syndrome douloureux affectant un membre, l’algodystrophie reste une maladie encore mystérieuse. Mais pas incurable, à condition de consulter rapidement et d’être ... très patient
Non, ce n’est pas parce qu’un plâtre a été mal fait, qu’une entorse ou une facture ont été mal soignées qu’on risque de développer une algodystrophie. » Le Pr Christian Roux et le Dr Fyriel Laborde, respectivement rhumatologues hospitalier et libéral dans les AlpesMaritimes, tiennent à couper d’emblée la tête à quelques idées reçues. Une mise au point nécessaire avant de plonger dans la réalité d’une affection assez fréquente, surtout parmi les femmes (elles sont quatre fois plus touchées que les hommes), mais restée longtemps mystérieuse. « L’algodystrophie, désormais baptisée syndrome douloureux régional complexe (SDRC), est une pathologie un peu bizarre, capricieuse dans sa présentation, comme dans son évolution », concèdent ainsi les deux spécialistes d’une même voix.
Des causes diverses, ou sans cause !
Pourquoi un membre, un bras, une main, une jambe se met-il à gonfler, à devenir chaud, tendu, impossible à mobiliser ? « Le plus souvent, cette pathologie est secondaire à un traumatisme physique : entorse, fracture, etc. On estime ainsi que 7 % des fractures sont à l’origine d’une algodystrophie. L’organisme supporte mal l’agression et il se « fige ». Certains évoquent une forme de réaction à la douleur; le risque d’algodystrophie semble, en effet, d’autant plus élevé que la douleur est importante ». L’instauration d’un nouveau traitement ou d’un simple changement de molécules constitue une autre cause, moins connue, mais relativement fréquente : « On retrouve parmi les médicaments imputés dans l’apparition d’une algodystrophie, des antiépileptiques, du Gardénal notamment, mais aussi des classes de médicaments à visée cardiologique… »
Consultation trop tardive
Parfois enfin, les spécialistes se retrouvent dans une impasse en tentant de débusquer la cause: «Dans certains cas, on n’arrive même pas à identifier le facteur déclenchant !» Mais la nécessité de consulter n’en est pas moins importante. « Trop souvent, les patients arrivent dans nos cabinets trop tard, en phase froide, lorsque le membre est déjà figé, avec une rétractation ligamentaire. Là, le trouble est plus difficile à traiter. Il faudrait qu’ils consultent un rhumatologue beaucoup plus tôt, dès la première phase, dite phase chaude. » Généralement, et c’est normal, les patients les plus inquiets se tournent vers leur médecin généraliste. Face à ce syndrome méconnu, dont la présentation clinique est bien souvent troublante, des examens complémentaires inutiles sont demandés et retardent la prise en charge. Alors que « le diagnostic est surtout clinique [sur la base des signes, ndlr], rappelle le Dr Laborde. Un seul examen reste néanmoins très intéressant, la scintigraphie osseuse, qui permet de confirmer définitivement le diagnostic et déterminer la phase: chaude ou froide. » Le diagnostic étant établi, la prise en charge thérapeutique peut démarrer. Et la première étape va consister à expliquer au patient en quoi consiste ce syndrome si douloureux. « Les informations délivrées constituent une partie non négligeable de la thérapeutique. Elles permettent de rassurer le patient ; il comprend ainsi que c’est certes impressionnant, mais que ce n’est pas grave. » Deuxième étape, la rééducation fonctionnelle chez un kinésithérapeute : « On recommande de mobiliser le membre de façon active ou passive, mais toujours de façon infradouloureuse [sans que le patient ne ressente la moindre douleur, ndlr]. Il existe une notion clé dans l’algodystrophie: la douleur, c’est l’ennemi ! Si la rééducation est mal faite, elle entretient ainsi l’algodystrophie au lieu de la traiter ! » À faire soi-même enfin : la pratique de bains écossais soit une alternance de bains froids (16°C) et chauds (40°C).
L’immobilité entretient le mal
« Par peur d’avoir mal, certains patients hésitent à mobiliser le membre affecté. C’est une erreur : l’immobilisation, comme la douleur, a pour effet d’entretenir l’algodystrophie. Il faut continuer d’utiliser le membre affecté, mais en respectant un seuil : il ne faut pas que ce soit douloureux ! » Enfin, et c’est probablement le plus difficile à accepter pour les patients : il leur faut être très… patients ! « Confrontés à la lenteur de l’évolution – l’algodystrophie guérit en 12 à 18 mois – les malades manifestent de l’impatience… Ils ont mal très longtemps. Surtout lorsque le trouble a été diagnostiqué à un stade tardif, qu’il y a déjà des séquelles, sous forme de rétractions tendineuses. » L’occasion pour les deux spécialistes de rappeler l’importance du diagnostic précoce, au cours duquel le médecin va mettre en confiance le patient, le rassurer. «Il arrive malheureusement que des séquelles apparaissent alors même qu’un traitement a été mis en place, signale le Pr Roux. Lorsqu’ils sont confrontés à ces formes sévères, les rhumatologues de ville adressent les patients à leurs confrères hospitaliers pour la mise en place de traitements applicables seulement en établissement: perfusions, blocs [technique analgésique, ndlr] .» Une dernière précision qui devrait achever de convaincre les milliers de victimes de ce syndrome très douloureux de ne pas perdre espoir et de consulter.
Il faut continuer d’utiliser le membre affecté Dr Fyriel Laborde et Pr Christian Roux Rhumatologues