Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Suivre la douleur postopératoire chez l’enfant grâce à une appli
Expérimentation Le service d’anesthésie des hôpitaux pédiatriques de Nice CHU-Lenval va mener des recherches en s’appuyant sur une application smartphone développée par des médecins
Avec le virage de l’ambulatoire, il est de plus en plus rare que les enfants opérés restent à l’hôpital. En principe, ils récupèrent mieux dans le confort de leur domicile. Toutefois, on ignore ce qu’il s’y passe. Fort de ce constat, le service d’anesthésie des hôpitaux pédiatriques de Nice CHU-Lenval dirigé par le Dr François De La Brière lance une vaste étude clinique sur l’évolution de la douleur postopératoire après une prise en charge ambulatoire en s’appuyant sur une application mobile créée par des médecins, les Drs Yannick Walrave (anesthésiste-réanimateur) et Olivier Rosello (chirurgien orthopédiste). « Les interventions chirurgicales, grâce à l’amélioration des techniques, sont de moins en moins douloureuses. Pour autant, nous sommes dans une démarche constante d’innovation pour le confort des jeunes patients , résume le Dr De La Brière. Sauf qu’il est très compliqué de mener des études sur des médicaments en pédiatrie. L’idée est donc de modifier les pratiques. Dans ce projet, nous allons collecter les informations en temps réel auprès des parents. Cela nous permettra d’avoir une vision beaucoup plus fine de l’appréciation de la douleur post-opératoire. » De nos jours, les soins sont forcément personnalisés. «On s’adapte au patient, c’est évident. Toutefois, il fallait trouver une solution pour que le lien avec les praticiens perdure après le retour à domicile », souligne l’anesthésiste. Sauf que les moyens humains sont limités. Impossible de faire appeler chaque famille tous les jours pendant deux semaines après une intervention chirurgicale. C’est là qu’intervient la technologie. Le Dr Yannick Walrave a consacré sa thèse à la question de la douleur après une amygdalectomie (l’ablation des amygdales), une opération certes courante mais potentiellement pourvoyeuse de complications. Avec le Dr Olivier Rosello, ils ont conçu de toutes pièces une application mobile. « L’objectif est de maintenir le contact avec le patient et de permettre aux parents de répondre de manière itérative. Il serait quasiment impossible de collecter ces informations par le biais de l’interrogatoire classique. D’une part parce que lorsqu’on donne des formulaires papiers à remplir, dans un cas sur deux on ne nous les rapporte pas. D’autre part, lorsqu’on pose les questions a posteriori, les réponses sont moins précises. »
Echelles d’évaluation de la douleur
Concrètement, les parents téléchargent – gratuitement – l’application Link 4 Life. Ensuite, ils n’ont plus qu’à indiquer les réponses de leur enfant, une fois par jour. « Les questionnaires sont basés sur des échelles d’évaluation de la douleur validées scientifiquement. Cela va permettre d’utiliser ces données et d’en tirer des conclusions fiables. De plus, nous avons proposé à tous les centres pédiatriques de France de participer à l’étude, la majorité a accepté. Nous allons donc pouvoir bénéficier de suffisamment de données randomisées pour pouvoir mener une étude fiable », indique le Dr De La Brière. Au-delà de l’aspect recherche, l’application permet de personnaliser le soin et de suivre le patient à domicile. Les parents peuvent se sentir rassurés de garder un lien avec le personnel hospitalier qui reçoit les informations en temps réel. « Nous paramétrons le programme de telle sorte que certaines réponses déclenchent un message d’alerte. Par exemple, si un patient répond qu’il présente une fièvre importante, nous allons lui téléphoner pour faire le point, détaille le Dr Walrave. Un atout car il arrive que les parents ne sachent pas ce qui est du ressort du normal ou ce qui implique un retour à l’hôpital. » C’est d’autant plus important que les enfants tolèrent
bien les traitements mais peuvent décompenser rapidement. Dernier atout non négligeable : l’application peut enregistrer un certain nombre de paramètres, l’utilisateur peut notamment y consigner des documents, tels que des ordonnances qu’il a donc toujours avec lui s’il doit retourner à l’hôpital. Pour l’heure, l’étude soutenue par la Fondation Lenval en est à son démarrage et elle bénéficie du soutien de l’Association des anesthésistes réanimateurs pédiatriques d’expression française. Les résultats quant à l’évaluation de la douleur et du bien-être postopératoire sont d’ores et déjà attendus par les professionnels.