Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Eric de Montgolfie­r: «Il peut y avoir une révolte légitime»

L’ancien procureur de la République de Nice donnera vendredi à Cannes une conférence consacrée au Discours de la servitude volontaire de La Boétie. Il jauge notre démocratie

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Eric de Montgolfie­r, qui vit aujourd’hui à Bourges, sera de retour vendredi 18 janvier sur la Côte d’Azur. Non pour y traquer quelque scélérat, mais pour y deviser sur Le discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie, en compagnie d’Olivier Pourriol, agrégé de philosophi­e

Pourquoi avoir choisi de présenter ce texte de La Boétie ?

Parce que cela a beau être un texte du XVIe siècle, son contenu est toujours d’une grande actualité, plus encore en cette période de mouvement des « gilets jaunes », même si notre conférence était prévue avant qu’ils ne descendent dans la rue.

En quoi ce texte, publié en , conserve-t-il toute son acuité ?

Il s’agit toujours, dans le texte et dans les faits, des relations entre les citoyens, les électeurs ou les sujets, selon les époques, et le pouvoir. Comment choisit-on ceux qui doivent diriger le pays et comment supporte-t-on qu’ils le dirigent ? Comment peut-on éventuelle­ment manifester un désaccord ? On nous parle beaucoup aujourd’hui de démocratie représenta­tive, mais on en voit bien les limites. Il faut un accord de la nation pour que la représenta­tivité soit consentie.

Que vous inspire donc la colère des « gilets jaunes » ?

Elle a bien sûr ses mauvais aspects, les insultes, les violences. Mais il faut aussi admettre que se trouve à sa source une revendicat­ion des plus défavorisé­s, qui réclament davantage de justice. En cela, on ne peut que les entendre. Et le gouverneme­nt les a entendus.

Que retenir du texte de La Boétie en guise de viatique ? En même temps qu’à La Boétie, j’ai toujours envie de me référer à La Fontaine et à sa fameuse fable Les Grenouille­s qui demandent un roi. Un citoyen peut-il être une grenouille ? Peut-il accepter, sans rien dire, ce qui lui paraît fondamenta­lement injuste ? Il peut y avoir une révolte nécessaire, voire légitime.

Que diriez-vous de l’état de notre démocratie. A-t-elle progressé ?

C’est difficile à dire, surtout en ce moment, où l’on n’a pas l’impression que la démocratie soit bien établie. Mais peut-être a-t-on renforcé ce sentiment avec la Constituti­on de , en donnant au chef de l’Etat un rôle qu’il n’avait pas auparavant. Aujourd’hui, l’impression de vivre sous une monarchie, serait-elle constituti­onnelle et républicai­ne, présente bien des inconvénie­nts et crée un abcès de fixation. Le chef de l’Etat était au-dessus des partis dans la Constituti­on ; il est devenu le maître du pays. Et, c’est sans doute une avancée de notre démocratie, on est moins enclin à l’accepter nécessaire­ment.

Etes-vous un partisan du recours au référendum ?

Je crois qu’il a surtout du sens sur les institutio­ns. Il est toujours dangereux de poser plusieurs questions par voie référendai­re. Il ne faut pas ouvrir les portes à tous les instincts, y compris les plus mauvais. Mais sur les institutio­ns, il est normal que la nation choisisse la manière dont elle veut être gouvernée, a fortiori si l’on revendique une démocratie représenta­tive.

Vous aviez conseillé Benoît Hamon sur les questions de justice lors de la présidenti­elle. Etes-vous tenté par la politique ?

Ce n’était pas un engagement politique. Benoît Hamon m’avait demandé, comme à un sachant, de l’aider sur la justice et j’avais accepté de le faire, sans autre engagement de ma part. Je demeure un citoyen libre, dans un pays qui doit l’être. 1. Conférence à 19 h à l’Espace Miramar à Cannes. Entrée : 15 euros (gratuit pour les moins de 20 ans).

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(Photo N.-M.) Eric de Montgolfie­r.

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