Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

BRIGNOLES RETOURNE AUX TEMPS ANCIENS

Dix ans après un passage « pirate » aux Médiévales, le chanteur est, cette année, tête d’affiche d’un spectacle nocturne au jardin Suau, où il donnera, ce soir, un concert tout en émotion

- PROPOS RECUEILLIS PAR VICTOR TILLET

Le coup d’envoi de la e édition des Médiévales sera donné à  heures, avec le défilé de l’ensemble des troupes. La journée s’achève avec le concert de Luc Arbogast (photo), jusqu’à  h .

Quand il chante, sa voix de contre-ténor vous transporte par sa douceur. Mais discutez avec Luc Arbogast et il retrouve un ton plus bourru. Grand, chauve, tatoué, le gaillard en impose. Derrière l’allure, il y a un grand bavard, pour qui le plus important est « le plaisir du public ». Grand passionné de musique, Luc Arbogast se place entre musique médiévale et musiques du monde. Un art qu’il explore en alternant quatre langues pour chanter ses textes. Son concert, ce soir, au jardin Suau, s’annonce comme l’un des temps forts des Médiévales 2019.

Votre carrière a débuté il y a vingt-cinq ans, vous êtes aujourd’hui une référence dans le milieu médiéval.

Avant je l’étais déjà mais en tant qu’outsider. Je participai­s à des médiévales en dilettante. Parfois j’arrivais sur une fête, alors que je n’étais pas déclaré et je vendais mes albums, au grand dam des organisate­urs. J’étais pirate. Maintenant, je suis souvent sollicité pour parrainer des fêtes médiévales et participer à des concerts.

Vous êtes tellement déclaré que, pour Brignoles, vous êtes le seul artiste dont le nom figure sur l’affiche officielle.

Plus officiel, ce serait compliqué en effet. Je suis vraiment heureux de ce passage à Brignoles, car c’est une collaborat­ion avec Philippe Gall, membre des Monts Rieurs (Méounes). C’est quelqu’un que j’admire beaucoup, tout comme cette compagnie.

Le grand public ne connaît pas forcément la musique médiévale. Votre longévité paraît impression­nante.

Il y a des gars qui ont duré, comme Jean-Claude Husson ou Thierry Mutin, mais c’était toujours très baroque. Mon travail est plus intuitif. C’est une musique émotionnel­le. La tournée Alkemyan, lancée en avril, a pour but de donner un caractère d’élévation. Mon objectif n’est pas d’être en démonstrat­ion, mais d’apporter de la méditation. C’est en quelque sorte de la méta musique. Cette tournée est un projet, resté en stand-by quelques années, très personnel, qui n’a pas été guidé par un label musical. Et elle fonctionne bien : j’ai joué récemment à SaintAntoi­ne-l’Abbaye (Isère),   personnes étaient présentes. Je renoue avec un registre conforme à mes débuts.

Votre registre ?

J’aime l’histoire médiévale et je fais des chansons de ce genre. Mais avec la tournée Alkemyan c’est aussi musiques du monde, voire progressiv­e. Alkemyan, dans ma langue à moi, c’est l’alchimie : entre moi, le public, la musique, le terrestre et le nonmanifes­te.

Vous serez seul sur scène ?

Oui. Fut un temps, j’avais des musiciens. Maintenant, j’ai envie d’être en osmose avec mon propre travail. J’aurais mon bouzouki irlandais, que j’ai depuis toujours. C’est comme mon instrument fétiche. Je joue aussi de la vielle à roue, parfois des tambours, du clavier arrangeur et aussi des flûtes.

Les langues que vous utilisez pour chanter ?

Le latin, le vieux français et l’allemand médiéval. J’ai aussi ma langue, que j’ai créée avec plusieurs racines linguistiq­ues. Toutes ces langues je les parle, j’ai la chance d’avoir une capacité d’oreille qui me permet d’apprendre vite les langues.

Vous êtes souvent présenté comme « ancien candidat de The Voice ». Six ans après votre participat­ion, vous n’en avez pas marre ?

Au départ, cette idée de faire The Voice me gonflait. Une chose m’a décidé : à l’approche de la quarantain­e, j’avais envie de laisser une trace positive à mes enfants, une sorte de sécurité sociale. Je ne pensais pas que ça marcherait. Je suis encore considéré comme un candidat phare, alors qu’entre-temps, plein de candidats sont passés et font de grosses carrières. Ce qui m’a longtemps agacé, après l’émission, c’est de faire référence à The Voice sans parler de mes années de carrière avant.

Il y a eu un avant et un après ?

Les gens m’abordent et m’en parlent encore. Et quand l’album Odysseus est sorti, après l’émission, il a fait   ventes en trois semaines. J’étais resté huit semaines dans le top  des ventes, c’était étonnant. Concernant les Médiévales de Brignoles, il ne faut pas se leurrer non plus : ils m’embauchent parce qu’il y a « l’effet télé » et les gens adhèrent.

Votre passage à la télévision a démocratis­é le genre médiéval.

Au début, cette histoire de démocratis­ation de la musique médiévale à la télé a été un problème auprès des puristes. Maintenant, tout le monde en bénéficie. Quand j’ai commencé à aimer la musique médiévale, je ne savais même pas qu’il y avait des festivals dédiés, il y en avait très peu. Le genre médiéval a bien grandi et toute une culture se développe avec. Il y a de plus en plus de groupes, de convention­s. Mais les événements perdent peut-être de leur rareté.

Quel regard portez-vous sur les Médiévales de Brignoles ?

La dernière fois que j’y suis venu, c’était il y a une dizaine d’années. À l’époque, j’allais sur les médiévales pour le plaisir, avec mon camping-car. J’avais le bouzouki en bandoulièr­e, quelques albums dans la besace et je jouais sur le stand d’un ami qui faisait du cuir. On buvait des bières assis sur une botte de paille. L’ambiance était très bonne. Je ne voulais pas rentrer dans le protocole.

Votre carrière s’est aussi faite en jouant dans la rue.

Je me suis fait arrêter des dizaines de fois pour ça, à l’époque, sur les fêtes, comme à Dinan, en Bretagne. La police me faisait le topo « vous arrêtez de chanter, mendicité interdite, présentez vos papiers. » Récemment, j’y ai organisé tout le festival de soutien au patrimoine de la ville. C’est rigolo, ce retour de manivelle. Ils n’ont pas fait le rapprochem­ent entre le jeune médiéviste qui se faisait arrêter et l’artiste actuel.

L’art de rue vous a visiblemen­t marqué.

Le public m’a beaucoup aidé par son regard. Selon la manière de s’habiller, par exemple, les gens adhéraient moins. Je me suis façonné ainsi. Tout comme pour les morceaux où j’avais un retour direct. Un mec chauve avec des tatouages qui chante en contre-ténor, ça ne s’est jamais vraiment fait en France. Mais je n’ai rien inventé non plus, c’est juste ma manière d’être. J’ai aussi développé le contact avec le public. À la fin du concert, à Brignoles, je prendrai du temps avec les spectateur­s. C’est un rituel auquel je tiens beaucoup.

Avant, je venais jouer sur des festivals sans être déclaré. J’étais pirate.” Je suis venu au Médiévales il y a une dizaine d’années. J’avais le bouzouki en bandoulièr­e et je jouais sur le stand d’un ami. Puis on buvait des bières sur une botte de paille. L’ambiance était bonne.”

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 ?? (Photo DR) ?? Parmi ses instrument­s favoris sur scène, Luc Arbogast utilise beaucoup le bouzouki irlandais, son compagnon de toujours. Il le fera résonner ce soir pour son concert au jardin Suau.
(Photo DR) Parmi ses instrument­s favoris sur scène, Luc Arbogast utilise beaucoup le bouzouki irlandais, son compagnon de toujours. Il le fera résonner ce soir pour son concert au jardin Suau.

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