Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Identification des ruminants : protéger l’élevage extensif
Tout en se félicitant des avancées d’un texte européen, applicable en 2021, les éleveurs en mode extensif demandent une meilleure reconnaissance de leurs pratiques et de leurs spécificités
Un nouveau règlement européen sur l’identification des petits ruminants est destiné à s’appliquer dès 2021. Ce texte prévoit des assouplissements importants, en particulier le remplacement de la boucle électronique par un tatouage pour les animaux adultes et par une unique boucle non-électronique pour les animaux de moins d’un an destinés à quitter directement l’élevage pour l’abattoir. « C’est une avancée pour l’élevage paysan, tel que nous le pratiquons », selon Francis Girard, éleveur à Bauduen et spécialiste du sujet à la Confédération paysanne du Var. En effet, si le bouclage électronique convient à certaines structures, il génère des surcoûts inutiles pour de nombreux élevages, ainsi qu’une forte exposition aux sanctions lors des contrôles qui conditionnent l’accès aux aides PAC, selon le syndicat agricole. Les pertes et les arrachages de boucles sont fréquents dans les élevages de certaines races, les systèmes pastoraux et les structures valorisant des surfaces ligneuses (bois, haies…). «Ça cause des blessures et parfois aussi des arrachages d’oreilles » commente Francis Girard. Or ces élevages pastoraux sont majoritaires dans le département. «Ilyaenviron 50 000 brebis dans le Var, précise-t-il, et des chèvres
aussi. Pour un troupeau de 400 brebis comme le mien, le bouclage représente 500 euros par an de frais supplémentaires depuis que ce sont des boucles électroniques ». « Nous comprenons et ne sommes pas contre l’identification, assure Francis Girard. Mais nous voulons être libres de choisir entre le bouclage ou pas. Le tatouage est interdit pour des raisons sanitaires parce qu’on pique les brebis. Mais c’est pareil avec les boucles ! Le tatouage à l’oreille a l’avantage de ne pas poser de problème d’arrachage ». Malgré les assouplissements, ce projet de texte ne reconduit pas la dérogation actuelle à l’électronisation pour les chevreaux transitant par un centre d’engraissement ou de rassemblement. Il ajoute : « Pour nous, ça ne sert à rien que la boucle soit électronique, on n’a pas de lecteur. On nous dit que c’est aussi pour les abattoirs, mais l’abattoir de Digne n’a pas de lecteur non plus… C’est fait pour des éleveurs qui utilisent des logiciels ». La Confédération paysanne se bat pour le développement de débouchés pour ces chevreaux engraissés sur leur ferme de naissance, mais ces projets font face à de nombreux obstacles : méconnaissance du produit, adaptation des abattoirs au gabarit des chevreaux. Ainsi, les chevreaux restent en majorité destinés à l’engraissement dans des exploitations spécialisées quelques jours après la mise bas. Ce qui signifie qu’ils devront être électronisés à partir de 2021… Sauf si le texte européen est amendé rapidement.
Mieux reconnaître les pâturages extensifs
La balle est désormais dans le camp du conseil et du Parlement européen, qui peuvent agir jusqu’à la fin du mois. La Confédération paysanne appelle le ministère et les députés européens à tout mettre en oeuvre pour reconduire cette dérogation accordée aux chevreaux, tout en conservant les nécessaires acquis du projet de texte. « On aimerait aussi que la reconnaissance de nos élevages se poursuive au niveau des pâturages », dit encore l’éleveur du Haut Var. Selon lui, la commission européenne met en doute le fait que les bois, la garrigue et autres espaces de montagne servent de pâturage. « Pour elle, le pâturage c’est seulement de la prairie. Et régulièrement on nous fait comprendre que c’est limite dans le calcul. Or, les aides sont calculées à l’hectare ». L’enjeu est important car la survie des élevages extensifs est conditionnée aux aides de la politique agricole commune.