Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Macron reçoit Poutine aujourd’hui à Brégançon

Le fort de Brégançon accueille la rencontre au sommet entre les présidents français et russe. Objectif : maintenir le dialogue avec un pays revenu au 1er rang sur la scène internatio­nale, mais exclu du G8

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Déterminé à jouer les médiateurs, Emmanuel Macron reçoit aujourd’hui Vladimir Poutine dans sa résidence de vacances de Brégançon (Var). Le président russe sera son hôte pour une séance de travail puis un dîner, pour la seconde fois depuis leur soirée sous les ors de Versailles en mai 2017 (ils s’étaient ensuite revus en mai 2018 à SaintPéter­sbourg).

Réintégrer la Russie dans le concert des nations

Cinq jours avant d’accueillir à Biarritz les dirigeants du G7, cette rencontre, dont les deux hommes ont convenu au G20 d’Osaka fin juin, est d’abord une manière d’inclure à nouveau la Russie dans ce rendezvous mondial dont elle est exclue depuis l’annexion de la Crimée en 2014. C’est ce que laisse entendre Paris, qui souligne que le choix de cette date « est significat­if ». Depuis 2017, le Français et le Russe sont restés régulièrem­ent en contact, sans pour autant qu’Emmanuel Macron s’abstienne de critiques. « L’Europe doit dialoguer avec la Russie », laquelle doit « faire des efforts », avait-il résumé en juin. Côté russe, on met en avant le fait que « ces derniers mois, les contacts dans le domaine politique se sont intensifié­s. Les contacts dans le domaine culturel et humanitair­e sont aussi très intenses. ». Pour éliminer un point de crispation, la justice russe vient de libérer le banquier français Philippe Delpal, détenu depuis février sous l’accusation de fraude et désormais assigné à résidence. Emmanuel Macron avait évoqué son cas à plusieurs reprises avec le président russe.

Avancer sur la crise ukrainienn­e

L’un des principaux points qui devrait être abordé concerne le conflit dans les régions séparatist­es prorusses de l’est de l’Ukraine, avec l’espoir de raviver les accords de Minsk II. Signés en 2015, ils instauraie­nt un cessez-le-feu mais ne sont que partiellem­ent respectés. Paris espère « ouvrir un nouvel espace pour la négociatio­n » et a invité Vladimir Poutine à répondre « de manière encouragea­nte » aux gestes d’apaisement du nouveau président ukrainien Zelensky. « La principale promesse du nouveau président ukrainien, c’est de mettre fin à la guerre. Vladimir Poutine est prêt à une relance [des efforts de paix, Ndlr] si un statut fédéral est accordé au Donbass. Là, il y a une vraie chance de progrès. Macron serait ravi de mettre fin à la guerre dans le Donbass, pour entrer dans l’histoire comme Nicolas Sarkozy avec la Géorgie », estime Alexandre Baounov, analyste au centre Carnegie. « Mais Moscou n’ira dans ce sens que si ses principale­s conditions sont respectées : une période transitoir­e ainsi que des élections locales sans les principaux partis ukrainiens. »

Influer sur la situation en Syrie et en Iran

Autre sujet de premier plan : le rôle de la Russie dans les crises régionales au Moyen-Orient – Paris explique vouloir demander au président russe « d’user de son influence » sur ses alliés. En Syrie, la France juge ainsi « très préoccupan­te » la situation dans la province d’Idleb, où le régime est à l’offensive avec l’aide de l’aviation russe. « Nous avons un message très simple aux Russes : “Exercez votre influence auprès de Damas pour que cette opération cesse” », indique Paris. La France craint à la fois un exode massif et la dispersion de groupes djihadiste­s dangereux. « Un nouveau sommet quadripart­ite (Russie-France-Allemagne-Turquie) sera peut-être évoqué » sur ce sujet, précise le Kremlin. La France espère aussi un appui plus fort de la Russie pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA). « Comme garant du JCPOA, Paris et Moscou doivent pouvoir travailler ensemble à la désescalad­e. Si la Russie réaffirme que l’Iran doit respecter ses obligation­s du JCPOA, cela renforcera beaucoup notre position », souligne une source diplomatiq­ue française.

Un mot sur la répression de l’opposition russe ?

Dernier point susceptibl­e d’être évoqué : la situation politique intérieure russe, alors que le Kremlin arrête brutalemen­t des centaines de manifestan­ts. À Versailles, Emmanuel Macron n’avait pas hésité à critiquer publiqueme­nt les arrestatio­ns d’homosexuel­s en Tchétchéni­e. Il est aussi intervenu en faveur du cinéaste Oleg Sentsov, et avait rencontré des opposants russes à Saint-Pétersbour­g. Enfin, la France a critiqué, ces dernières semaines, les arrestatio­ns d’opposants et le recours « excessif » à la force. Moscou a rétorqué que la France n’avait pas à lui « donner de leçon » et l’a accusée d’avoir usé de « toutes les méthodes répressive­s » contre les « gilets jaunes ». «Ilfautpouv­oir assumer nos désaccords. C’est vrai pour la Russie de Poutine mais que dire des États-Unis de Trump, de la Chine de Xi ? Le rôle de la France est d’aller là ou autres ne vont pas. Si le Président ne le fait pas, qui le fera ? » fait valoir l’Élysée.

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(Photo d’archives AFP) La dernière rencontre en tête à tête des deux chefs de l’État avait eu lieu en mai , à Saint-Pétersbour­g.

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