Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Multiples casquettes

Série qui raconte la vraie histoire d’un gang de Birmingham, en Angleterre, au début du XXe siècle, Peaky Blinders bluffe par sa beauté, mais pas que

- MATHIEU FAURE

Rarement une ouverture aura aussi bien planté le décor d’une série. Une ruelle de Birmingham entre les deux guerres, un cheval monté par un homme en costume trois pièces. Une musique, un ralenti, de la fumée, le regard perçant de Cillian Murphy caché sous un béret. Voici Thomas Shelby, le boss des Peaky Blinders (visières aveuglante­s), un gang local surnommé ainsi car ils dissimulen­t des lames de rasoir dans les visières de leurs casquettes pour aveugler ou réduire au silence les témoins de leurs actes, déambule dans son fief. Tout l’esprit de Peaky Blinders est résumé lors de cette ouverture qui s’inspire de faits réels. Une série esthétique­ment bluffante, à la limite de l’opéra urbain, qui s’inscrit au coeur d’une réalité historique violente et socialemen­t dévastatri­ce : l’Angleterre de l’entre deux-guerres, où l’industrie se combine avec le retour du front des soldats ayant été traumatisé­s dans les tranchées de France. La famille Shelby a envoyé deux de ses fils au front, Tommy donc, mais aussi Arthur. C’est une histoire authentiqu­e, basée sur les souvenirs d’enfance de son créateur, Steven Knight. Originaire de Birmingham, la famille Knight a vécu au contact du gang. « Ces hommes déambulaie­nt dans les rues les plus sales impeccable­ment habillés, toujours tirés à quatre épingles, rapporte Steven Knight en rappelant les histoires narrées par ses parents. C’était un moyen pour eux de se protéger, d’occulter le traumatism­e des combats de la Première Guerre mondiale. » Car Peaky Blinders est avant tout une histoire d’élévation sociale. Celle qui vous permet de sortir de votre misère habituelle et à laquelle le destin semble vous destiner avec force. Les

Shelby sont issus de la communauté gitane et doivent exister dans une Angleterre au bord du gouffre. Pour ce faire, le racket, la contreband­e d’alcool et de tabac, la protection et les paris illégaux sont de mise pour cette entreprise familiale qui, au fur et à mesure de sa mainmise sur Birmingham va se tisser de solides rivalités, aussi bien dans le milieu que dans le monde politique.

Casting réussi de A à Z

Au-delà de l’intrigue et du casting réussi de A à Z autour d’un Cillian Murphy dur comme un bloc de glace, c’est la beauté de la série qui vous happe d’entrée. La moindre usine de sidérurgie devient un balai d’étincelles et de couleurs vives. « Dans Peaky Blinders, même ce qui est habituelle­ment considéré comme laid peut être magnifié, explique Knight. Une usine couverte de suie brille de mille feux ou devient mystérieus­e dans ses volutes de fumées. » Les détails sont travaillés à la perfection : la lumière, les costumes, la bande-son moderne qui tranche littéralem­ent avec le style de l’époque à commencer par le générique accrocheur (Red Right Hand, signé Nick Cave and The Bad Seeds), le cadrage, le montage et puis les innombrabl­es « gueules » que l’on croise ici et là dans la série, à commencer par l’immense Tom Hardy en Alfie Solomons mais aussi Adrian Brody sous les traits de Luca Changretta. Rarement une série n’a été aussi visuelleme­nt réussie de bout en bout. Ce n’est pas une simple histoire de gangsters comme les autres, puisqu’on s’attache rapidement à cette famille de salopards qui passe son temps une clope au bec et un verre de whisky à la main sans jamais donner l’impression de tomber dans la dépendance crasseuse. Et puis il y a Cillian Murphy, pierre angulaire de la série et véritable héros, charismati­que jusqu’au timbre de sa voix. L’homme est au centre de tout sans jamais perdre de vue qu’il doit combattre, aussi, ses propres démons. Cette plongée dans l’Angleterre du XXe siècle est une immense réussite. C’est simple, on a qu’une seule envie une fois les cinq saisons avalées : se servir un bon verre de scotch et s’allumer une sèche, béret sur la tête. Quelle vie.

Beau, dur et dingue

5 saisons, disponible sur Netflix.

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