Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Viols d’enfants : deux pédophiles pris sur le Net
La police judiciaire s’inquiète du visionnage en direct de viols d’enfants. L’affaire d’un Azuréen, condamné cette semaine, semble confirmer le développement du phénomène
L’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) avait diffusé une note interne il y a un an et demi sur l’effroyable phénomène du visionnage en direct de viols d’enfants. Des pédophiles se servent d’applications de visioconférence pour, simultanément, regarder en direct des scènes abjectes. Un homme, jugé à Nice cette semaine, aurait confié à son complice avoir été spectateur de tels crimes. Mais l’enquête n’a pu le prouver et le suspect l’a démenti en garde à vue et lors de son procès. Son coprévenu, lui, a évoqué pour sa part un projet collectif de kidnapping lors d’une connexion avec l’application Zoom. « Quand j’ai entendu ça, j’ai eu très peur », affirme-t-il aujourd’hui.
Une confrérie mondiale de détraqués
Au moment du jugement, le doute leur a tous deux bénéficié. Cyrille Ladreyt, 47 ans, domicilié à Bourgoin-Jallieu (Isère), artisan en invalidité et David Levayer, 46 ans, gardien d’immeuble à Beausoleil, ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Nice à trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis et cinq ans de suivi sociojudiciaire. Ils sont inscrits au fichier des délinquants sexuels (le Fijais). Ils ont été reconnus coupables d’enregistrement et de diffusion d’images pédopornographiques de 2013 à 2019. Pourquoi et comment deux hommes, en apparence ordinaires, ressentent une excitation sexuelle à la vue d’enfants et de nourrissons violés ? Les experts qui analysent ces personnalités déviantes n’apportent pas clairement de réponse. Le président du tribunal correctionnel de Nice, Edouard Levrault, a tenté, par ses questions, de percer ce mystère. Sans plus de réussite. Ces individus, réputés difficilement curables, répètent inlassablement les mêmes propos devant leurs juges. « À l’époque, j’étais dans le virtuel », analyse David Levayer, en visioconférence depuis sa prison (confinement oblige).
La recherche du « direct »
Comme Cyrille Ladreyt, son ami intime, il disposait d’un code d’accès à une « room » (traduisez « une pièce »), où se donnaient rendez-vous d’autres pervers pour la diffusion en simultané de vidéos pédopornographiques. Avec la surenchère qu’impliquent ces réunions organisées par une sorte de confrérie mondiale de détraqués.
La note de l’office central avait malheureusement vu juste. Les pédophiles ne se contentent plus d’images fixes mais recherchent des vidéos, en direct qui plus est. Des enfants victimes ont été repérés en Malaisie, aux Philippines, en Roumanie… Pas encore en France mais des milliers d’individus dans notre pays ne se contentent plus de partager des images fixes. Ils se connectent régulièrement à ces sites dits en « live streaming ». « On est dans ce qui se fait de plus glauque, de plus sordide en la matière, confirme le commissaire Jérôme Vial, responsable de la section économique et financière de la police judiciaire de Nice, dont dépend la cellule de lutte contre la cybercriminalité. Certains, une fois connectés, commandent et payent pour assister à des agressions qui sont commises en direct. Malheureusement, la justice n’a pas pu encore établir pénalement une complicité de viols contre ces individus. » Levayer a été repéré par un organisme américain qui a alerté la justice française. L’application Snapchat, ainsi que Facebook, souvent critiqués pour leur passivité, ont également dénoncé les vidéos pédopornographiques de l’internaute français. Les enquêteurs ont pu identifier ce gardien d’immeuble azuréen qui se délectait d’enfants abusés et même de scènes de zoophilie.
« Je suis un monstre je suis malade »
L’homme était complètement inconnu des services de police. Dans son fichier, les enquêteurs du groupe « cyber » ont exhumé 3 000 fichiers, des échanges de mails avec d’autres membres actifs de la communauté pédophile. Son ami et complice, lui aussi sans antécédents judiciaires, a également été interpellé par la PJ niçoise. Un juge d’instruction a ensuite poursuivi les investigations. « Je reconnais les faits.
Je suis un monstre. Je suis malade », affirme Levayer, qui prétend avoir été « soulagé » par son arrestation. « J’ai pris conscience qu’il y avait des petits garçons qui se faisaient violer. C’est moche », affirme-t-il. Repentance de façade ou réelle prise de conscience ?
« Une vie parallèle »
« Il a toujours coopéré avec la police et poursuit très sérieusement une thérapie en détention, souligne pour sa part Me David-André Darmon, avocat de Levayer. Ces deux hommes ont un profil similaire. Des hommes seuls, mal dans leur peau, isolés, repliés sur eux-mêmes avec peu de vie sociale. On a parfois l’impression qu’ils mènent une vie parallèle, en dehors de la réalité. » Me Sébastien Perroti, avocat de Ladreyt, s’appuie sur les expertises de son client et parle de « prédateur virtuel qui ne passera jamais à l’acte ». La justice niçoise a ordonné un suivi sociojudiciaire de cinq ans, période pendant laquelle les deux pédophiles sont astreints à de nombreuses obligations. S’ils ne se conforment pas aux exigences du juge d’application des peines, qui leur interdit notamment tout contact avec des enfants, ils retourneront immédiatement en prison.