Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Gianni, aide-soignant la nuit et jardinier la journée
Nous l’appellerons Gianni. Comme Emma (lire page ci-contre), il est obligé de conserver l’anonymat. Aide-soignant hospitalier, le quadragénaire, divorcé et père de trois enfants, gagne 1 650 euros en moyenne par mois en incluant les primes de week-end et de nuit. Avec un loyer de 900 euros, il lui reste à peine 700 euros pour vivre et faire vivre ses enfants. « Mes enfants ne sont pas exigeants, ils comprennent la situation… Mais, avec une telle somme, il est impossible de faire face aux dépenses essentielles, comme la nourriture, l’assurance voiture… », résume pudiquement Gianni. Alors, il n’a eu d’autres choix que de chercher une source complémentaire de revenus.
Deux journées de travail qui s’enchaînent
Depuis plusieurs années, il réalise des travaux de jardinage chez des particuliers ou dans des résidences. « Je travaille de nuit à l’hôpital ; je commence à 19 heures et finis à 7 heures du matin. Je rentre chez moi, je dors quelques heures, à midi je déjeune et à 13 heures, je suis sur les chantiers. » À 17 h 30, il reprend la route vers son domicile. Douche rapide, courts moments d’échange avec ses enfants et retour à l’hôpital, pour une nouvelle nuit de travail, sans répit. « Dans mon service, on ne se pose jamais. » Gianni n’est pas homme à se plaindre. L’essentiel pour lui, c’est de pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants.
Leur offrir une à deux journées de ski par an.
Jamais de vacances ? La question semble le surprendre. « Même en essayant de mettre un peu d’argent de côté, c’est impossible de partir. Les vacances, c’est à la maison. Et un peu à la plage. » Si certains de ses collègues connaissent sa situation – «Jene suis pas le seul à cumuler deux emplois » – il prend soin que cela ne remonte pas à l’oreille de sa hiérarchie. Trop risqué.
Gianni l’avoue sans détours : il aimerait, s’il le pouvait, quitter son emploi à l’hôpital. Mais ces 1 600 euros constituent un socle dont il ne peut se passer. L’amour du métier ? Il ne l’a plus. « On ne peut pas aimer son métier lorsqu’on bénéficie de si peu de reconnaissance. Quand on voit ce que l’on gagne, avec tous les efforts que l’on fait… Douze heures par jour, on donne de sa personne, on travaille auprès de gens qui souffrent… » Pour l’aide-soignant la reconnaissance passe par une revalorisation salariale – « On parle d’une augmentation de 300 euros, ce serait bien ». Mais il aspire aussi à un changement des mentalités. Que l’on cesse de considérer sa profession comme du petit personnel, totalement anonyme, au sein de la grande maison que constitue l’hôpital. « Tout ça cumulé, c’est dur. »
Impossible de faire face aux dépenses essentielles”