Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Harry, un ami qui vous veut du bien
Violette Toussaint porte bien son nom. Elle est garde cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Quotidiennement, elle accueille dans sa loge à coups de thé et gâteaux réconfortants les familles des défunts et les amis qui passent. Auprès du curé et des fossoyeurs, elle s’est créé une famille cocasse, complètement décalée et pourtant si attachante. Comme cette fameuse Violette d’ailleurs. Toute en bienveillance, toute en douceur. Comment en est-elle arrivée là ? Qu’est ce qui l’a poussée à s’occuper d’un cimetière ? Au fil des pages, les liens qui unissent vivants et morts sont révélés. Les âmes sont sondées et la garde cimetière se dévoile, lentement, subtilement. Forte, touchante, magnifique. Après Les Oubliés du dimanche, Valérie Perrin rend une nouvelle fois l’ordinaire exceptionnel. Changer l’eau des fleurs est une petite bulle légère. Un condensé d’émotions, servi par une écriture à la fois simple et poétique. On oscille entre le rire, le sourire et les larmes. Ce roman on ne le lâche pas. On le dévore. On le retient aussi lorsqu’on s’aperçoit que la fin arrive. Il est de ceux qu’on ne veut pas lâcher. Et les paroles de la narratrice résonnent «Jereferme le journal d’Irène le coeur lourd. Comme on referme un roman dont on est tombé amoureux. Un roman ami dont on a dû mal à se séparer. »
Sur l’autoroute des vacances, Michel Pape, prof de français, accompagné de sa femme et ses trois filles, tombe sur un ancien camarade de classe. Rapidement celui-ci se tape l’incruste dans la maison de campagne en travaux située dans le Cantal. Si Michel (Laurent Lucas) et Claire (Mathilde Seigner) forment un couple de français moyens tout à fait classique – entre reproches et engueulades, break et gamines capricieuses – Harry, lui, est beaucoup plus spécial. Plutôt jovial, serviable et sympathique. Trop même. Le malaise pointe rapidement le bout de son nez à voir évoluer cette connaissance envahissante. Une sensation d’oppression presque jubilatoire monte petit à petit chez le spectateur. Regarder cet étrange personnage, magnifiquement joué par Sergi López, totalement fan des écrits de Michel au lycée, le poussant à reprendre la plume et à s’épanouir, est dérangeant.
Ambiance hitchcockienne
Mais moins que de le voir user de tous les stratagèmes, qui vont jusqu’à éliminer les gêneurs, pour arriver à ses fins.
Il pénètre dans le cerveau du père de famille en même temps que dans celui du public. Telle une araignée, il tisse sa toile. Mais ce Harry n’est-il pas qu’un gentil désaxé complètement obnubilé ? L’ambiance est hitchcockienne. Dominik Moll, son auteur et réalisateur, réussi là un thriller psychologique de haute volée où la violence n’est que suggérée. On en ressort à la fois bousculé et fasciné. Le long-métrage, sorti en 2000, a reçu un bon accueil du public (plus de 2 millions d’entrées en France), des critiques mais aussi des professionnels. Il a ainsi été sélectionné à Cannes lors de la 53e édition du festival où le film est ovationné. Il remportera par la suite pas moins de quatre César dont celui du meilleur réalisateur et celui du meilleur acteur pour López.