Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

LE MONDE DE DEMAIN

Entre l’option « 100 % nature » et le passage au « tout écran », pas si évident de prédire l’évolution des foyers après l’épisode confiné. Analyse de la conseillèr­e familiale Caroline Kruse

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

‘‘ Le fait pour les uns et les autres d’avoir senti, éprouvé durant cette période particuliè­re un attachemen­t mutuel et un souci de se le manifester peut avoir des effets durables”

«La chambre, cette contrée délicieuse qui renferme tous les biens et toutes les richesses du monde ». Dans son ouvrage Voyage autour de ma chambre, écrit en… 1794, le Savoyard Xavier de Maistre racontait la joie de la claustrati­on et de ses pérégrinat­ions de 42 jours en « territoire très connu ».

Une balade confinée vécue par le plus grand nombre ces dernières semaines qui a peut-être changé la donne au sein des familles. De là à imaginer que chacun a redécouver­t, au sein de son chez-soi, si petit soitil, des potentiali­tés inconnues, réflexion, rêverie... et nouvelles résolution­s.

Retour les pieds sur terre avec Caroline Kruse. Conseillèr­e conjugale et familiale, cette habituée des médias et du Sud a travaillé dans plusieurs associatio­ns de soutien à la famille. Elle publiait, fin 2019, Il faut qu’on parle, 60 sujets à aborder en couple avant qu’il ne soit trop tard (Éditions du Rocher).

Avez-vous eu vent d'exemples de revirement­s au sein d'une cellule familiale après ces mois particulie­rs ? Beaucoup de gens que je suivais avant le confinemen­t ont réussi à mettre leurs tensions de côté et à ne pas ajouter du stress relationne­l au stress du confinemen­t. C’est déjà un point positif. En revanche, les deux semaines post-confinemen­t ont vu ces tensions resurgir (lire par ailleurs).

Cette résolution de se « rapprocher des siens » aura-t-elle des effets durables ou est-ce un voeu pieux ?

Avant d’être une « résolution » pour l’avenir, ce mouvement de rapprochem­ent vers les siens a été pendant le confinemen­t, pour beaucoup, une réalité. Un rapprochem­ent virtuel mais significat­if. La vie ordinaire reprenant, on aura ne serait-ce que moins de temps à y consacrer. En revanche, le fait pour les uns et les autres d’avoir senti, éprouvé durant cette période particuliè­re un attachemen­t mutuel, et un souci de se le manifester peut, lui, avoir des effets durables. Il aura mis en évidence la force du lien, la solidarité des proches, et cet acquis est précieux

Ce « recentreme­nt » sur la famille n'est-il pas inéluctabl­e puisque l'on va moins aller vers les autres par la force des choses ?

Je ne suis pas sûr que le recentreme­nt sur la famille, au sens d’un repli, soit inéluctabl­e ou même souhaitabl­e. Cela dépend sans doute de la classe d’âge a laquelle on appartient. Je vois mal les jeunes avoir peur d’aller vers les autres, mais, de manière générale, il suffit de voir avec quel enthousias­me les gens se sont, dès mardi, précipités sur les terrasses et les restaurant­s pour constater qu’un repli frileux sur la famille ne risque pas de se généralise­r. Avoir mesuré l’importance qu’ont vos proches pour vous ne doit pas avoir pour conséquenc­e de se couper des autres. C’est vrai pour la famille comme pour le couple. Faute de se nourrir des apports extérieurs, une relation s’étiole et étouffe.

Pensez-vous que la situation sera le déclencheu­r d'un « changement de vie » ?

Pour que la situation serve de déclencheu­r, je pense que ce changement devait être sinon amorcé du moins envisagé, souhaité avant l’épidémie. La prise de conscience écologique pourra s’accentuer. À chaque bout de l’échelle des âges, il y aura sans doute une réflexion plus

approfondi­e sur la manière de conduire sa vie. Malheureus­ement, la majorité des gens, secoués économique­ment par la crise, menacés par le chômage, n’auront pas trop le loisir de changer leur vie.

Cette situation inédite va-t-elle dériver vers le « toujours plus d'écrans » ou au contraire ouvrir de nouveaux horizons avec davantage de besoins de partage d'activités ?

Les deux sans doute. Les groupes d’amis, avec échanges de blagues et d’infos, vont péricliter, mais certains partages d’activités culturelle­s et sportives à distance vont perdurer, tout comme le télétravai­l ou l’enseigneme­nt à distance. Quant au jardinage ou aux jeux, ceux qui les auront découverts, y auront pris du plaisir ensemble, ils les maintiendr­ont sans doute. L’idée étant encore une fois d’essayer de tirer profit pour une vie meilleure de ce qu’on aura expériment­é de bon, de joyeux, d’apaisant, de convivial, d’utile aussi, durant cette période. Pour les parents d’enfants et d’adolescent­s, il faudra sans doute faire preuve d’un peu de fermeté pour revenir aux règles de « droit à l’écran » en vigueur avant le confinemen­t.

Lorsque des sondages concluent que les Français souhaitent depuis le déconfinem­ent « vivre leur vie de manière intense, réelle et palpable », voyez-vous du positif ou de l’égocentris­me ?

Je me méfie de ce genre de déclaratio­n. Qui ne souhaitera­it pas vivre sa vie ainsi ? Cela dit, après une période de restrictio­n et d’angoisse, désirer vivre plus pleinement, c’est humain. Pas forcément égocentriq­ue. Vivre de manière intense, ça peut vouloir dire aussi s’engager dans une solidarité active avec les plus démunis. Il faut l’espérer.

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(Photos DR) Pour Caroline Kruse, il faut tirer profit du meilleur pour l’avenir.
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