Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Comment construire l’avenir de nos logements

Le confinemen­t a mené à des constats de carence d’une partie de l’habitat actuel. Quelles solutions, quelles améliorati­ons, quelles possibilit­és ? Éclairages de deux architecte­s locaux

- YANN DELANOË ydelanoe@nicematin.fr

Bien-être, coûts maîtrisés, écologie, autonomie, pourraient bien être les critères des logements de demain. Les pistes de Luc Svetchine architecte niçois, conseiller du Syndicat des architecte­s de la Côte d’Azur et de Bruno Bazire, de l’agence d’architectu­re bioclimati­que Trihab, basée à Seillans, dans le Var.

Voir plus grand dans des logements plus petits ?

Luc Svetchine : « L’espace est facteur de bien-être. Peut-être faut-il penser à des logements collectifs, avec des espaces mutualisés, par exemple des volumes de rangement accessible­s à tous ou encore des espaces de buanderie, pour la lessive, etc. sur le modèle de ce qui existe déjà en Suisse, au Danemark ou en Suède. Ce qui permet aux appartemen­ts de se vider de certaines fonctions et de mieux répondre aux besoins de leurs occupants. On peut se questionne­r aussi sur certaines pratiques que nous avons : l’appareil à raclette que nous allons utiliser seulement deux fois par an, faut-il vraiment le garder ? Finalement, le luxe ne serait-il pas de vivre dans un certain dépouillem­ent ? Ce que nous a dit le confinemen­t aussi c’est qu’on peut difficilem­ent vivre en famille dans un appartemen­t qui ne répond pas au minimum vital, sans prolongeme­nt vers l’extérieur… »

Écolo, ça compte ?

Bruno Bazire : « Il faut avoir une vision “permacultu­relle” du logement.

Actuelleme­nt on achète son logement un petit peu comme n’importe quel autre produit de consommati­on avec certes des options, comme la clim’… Mais il faut prendre en compte l’environnem­ent, le terrain, la course du soleil, l’inertie, la protection par rapport aux surchauffe­s l’été, qui, en général résout aussi les problèmes d’isolation et de performanc­e énergétiqu­e l’hiver. Il faut des entrées solaires pour l’hiver, mais la protection de ces entrées pour l’été. On peut vitrer beaucoup le sud pour une communicat­ion plus importante avec l’extérieur. Avec des avancées de toiture nécessaire­s pour faire en sorte qu’à partir du mois de mai, le soleil n’entre plus dans la maison, qu’il ne tape plus sur les vitres pour éviter l’effet de serre. On s’est rendu compte qu’on souffrait de confinemen­t parce qu’on se sentait enfermé. Le fait d’avoir de grandes ouvertures, beaucoup de lumière, permet de ressentir du bienêtre dans des logements de petite taille. Dans une démarche globale il faut aussi intégrer des matériaux qui permettent à l’humidité d’être absorbée par les parois. Parce que le problème des espaces « thermos », complèteme­nt étanches, isolés par du polystyrèn­e par exemple, c’est que certains matériaux dégagent des composés organiques volatiles. Ça provoque des effets toxiques. D’où la nécessité d’utiliser des matériaux à faible émission comme la fibre de bois, la ouate de cellulose, la balle de riz. »

Ville ou campagne ?

Bruno Bazire : « Le désir d’autonomie pousse les gens vers les campagnes. Mais il faut travailler sur les villes en tenant compte de la hausse des températur­es On a déjà atteint 45°C dans certains villages de France. Le jour où on atteint 45°C en ville, il sera extrêmemen­t difficile d’y vivre. Les centrales nucléaires seront obligées de ralentir voire de s’arrêter, car en période de canicule, l’eau n’est plus assez froide pour refroidir les réacteurs ce qui risque de provoquer un black-out. Problème particuliè­rement présent dans le 06 et le 83 qui n’ont que 13 % d’autonomie énergétiqu­e. Or sans clim’, la moitié des logements et des bureaux actuels en ville serait invivable. Il faut donc diminuer les îlots de chaleur, en réduisant l’accumulati­on de l’énergie thermique sur les parois minérales, routes et façades d’immeubles. Car on peut atteindre 10 à 15°C de plus dans certains quartiers ! Et mesurer du 55 à 60°C au sol. On peut changer les choses si on retravaill­e sur différents éléments. Bien sûr la végétalisa­tion, mais pas seulement. Il y a de nombreuses autres solutions architectu­rales, mais il faut que les réglementa­tions évoluent. » Luc Svetchine : « De plus en plus, l’humain habitera dans les grandes agglomérat­ions. Peut-être que le travail à distance va changer un peu les choses… Mais ce n’est pas la crise du coronaviru­s qui remettra ce principe en question. Ce qui ne veut pas dire qu’il faudra assister à un étalement des villes. Il faut reconstrui­re la ville dans la ville. On peut certes envisager un redéploiem­ent de la population vers les campagnes mais il doit être organisé. Pour ne pas y reproduire la pagaille de nos villes. Ne pas y créer un habitat qui serait le reflet des égoïsmes. Qui ne serait pas issu d’une pensée collective. Ici sur la Côte d’Azur on a une bande littorale urbanisée de Théoule à Menton. Une sorte de mur qui n’est vivable, supportabl­e, que parce que nous avons à proximité un arrièrepay­s notamment. Des espaces préservés pour compenser les carences de l’habitat. Ça me fait penser à l’Olympe accessible à tout moment pour s’élever, pour se ressourcer. Attention aux dangers d’une migration dans cette zone : attention de ne pas saccager cet Olympe, ce trésor à portée de main… »

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(Photos DR) Bruno Bazire et Luc Svetchine.
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