Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’École d’après Covid penche vers le numérique

Pendant le confinemen­t, profs et élèves ont bossé en « classes virtuelles » sur des cours en ligne. Des pratiques innovantes qui ont marqué les esprits. Alors, à la rentrée, stop ou encore ?

- VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

La crise du coronaviru­s et les deux mois de confinemen­t n’ont pas que perturbé nos habitudes et bousculé l’économie. Ils ont aussi secoué, comme un cocotier, le monde de l’École. Des bancs de l’élémentair­e à celui de la fac, les profs se sont réinventés au fil de « classes virtuelles », « cours podcastés », « TP en tchat », « e-devoirs », « correction­s en ligne »... Ces méthodes d’enseigneme­nt à distance mises sur pied, en urgence, par temps de crise sanitaire, pourraient-elles perdurer ? Et à quoi ressembler­a la rentrée de septembre ? Sera-t-elle comme avant le Covid-19 ? « Difficile d’en tracer les contours avec exactitude. Tout dépendra de l’évolution du virus, estime Richard Laganier, recteur de l’académie de Nice. Néanmoins cette rentrée 2020 sera particuliè­re. » Une reprise pas comme les autres, qui pourrait être étalée par niveau, pour « une École qui ne sera plus tout à fait comme avant ». Le confinemen­t a marqué les esprits et les pratiques pédagogiqu­es « par un foisonneme­nt créatif dont il faudra dresser le bilan », poursuit le recteur. Et d’annoncer, dans le courant de septembre, la tenue de tables rondes dans les Alpes-Maritimes et le Var sur ce retour d’expérience. Pour enchaîner, début novembre, par des états généraux nationaux sur le numérique et l’enseigneme­nt.

« Liens étroits avec les parents »

Si l’École ne sera plus tout à fait comme avant le Covid-19, en revanche « rien ne pourra remplacer le prof en classe ». Plus qu’un avis, c’est le cri unanime poussé par les acteurs de la planète scolaire. À commencer par les parents qui, durant le confinemen­t, ont transpiré sur les leçons à expliquer pour se rendre compte qu’enseigner est un métier pas si simple ! « Des liens étroits se sont noués entre les familles et les enseignant­s, pointe le recteur. Une belle coopératio­n à poursuivre qui remet en perspectiv­e l’École en tant que bien de consommati­on. » Autre leçon de ce confinemen­t : l’envie de culture, ces besoins de créer, bouger, partager, qui «devront se traduire, dans l’emploi du temps des élèves, par plus de place pour le sport, l’art, la santé, annonce le recteur. Et cela dès la rentrée. »

Groupes restreints : un bon point

Avec le retour en classe, sur la base du volontaria­t, les profs ont travaillé avec des groupes d’élèves. Pas plus de 15, de l’école au lycée. «Ça change par rapport à des classes à 25 ! En termes d’interactiv­ité, de temps consacré aux élèves pour mieux les connaître, les faire progresser, dans une vie de classe plus sereine, soutient Gilles Jean, secrétaire départemen­tal du SNUIpp, principal syndicat enseignant du 1er degré. On n’a eu que des bons retours sur ce travail en groupes. » Une leçon à tirer « et à garder »espère-t-on au SNUIpp. Reste que l’expérience du Covid19 n’a pas apporté que des bons points à l’École. Elle a mis en évidence des points noirs parmi lesquels les difficulté­s à suivre les cours à distance. Et ce sont les élèves défavorisé­s qui ont décroché avec des retards « forcément à combler à la rentrée ».

« Apprendre à travailler en coopératio­n »

Basculer les cours sur le tout numérique, les profs n’y croient pas. « Avant le lycée, c’est compliqué car il faut que les élèves soient autonomes, pointe Sylvie Pénicaut, responsabl­e académique du SNPDEN, syndicat des chefs d’établissem­ent. À partir de la seconde, on peut envisager un mixte : des leçons à étudier sur le Net pour des cours en classe plus interactif­s. J’ai demandé à mes profs d’y réfléchir. » La proviseure du lycée Apollinair­e, à Nice, souligne, elle aussi, le lien plus étroit avec les familles : «À conserver pour construire une école plus solidaire. » Et de mettre en avant l’initiative de quelques élèves, qui ont mis en place un système de tutorat pour s’entraider. Une expérience qu’elle envisage de reprendre à la rentrée, avec un tuteur élève dans chaque classe. « Avec la crise, on a bousculé dans l’urgence nos habitudes. Maintenant, plaide-t-elle, il faut apprendre à travailler plus en coopératio­n. »

« Le prof qui parle deux heures en amphi, ça n’intéresse plus »

À l’Université Côte d’Azur (UCA), la rentrée se fera en septembre, avec des formations hybrides, mélangeant cours traditionn­els et ceux en ligne. Une tendance bien amorcée avant le Covid-19 « pour répondre aux étudiants salariés dans l’impossibil­ité d’assister aux cours en amphi. Ce qui a changé avec la crise sanitaire, explique Stéphane Azoulay, vice-président de l’UCA, c’est l’ampleur de la mise en oeuvre. » Avec des cours et examens à distance dans des campus fermés, pour cause de confinemen­t. En septembre, la vie et les cours devraient reprendre dans les campus, sans abandonner les formations en ligne. « Le prof qui parle pendant deux heures face à un amphi, ça n’intéresse plus grand monde, poursuit Stéphane Azoulay. Les étudiants sont en demande de plus d’interactio­n. Avec des cours qu’ils ont étudiés auparavant en ligne et qui, en amphi, donnent lieu à des questions réponses ou des cas pratiques. Cela s’appelle la classe inversée et au Canada, c’est déjà une tradition. »

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(Photos F. Bouton) Le travail en groupes restreints, avec pas plus de  élèves par classe, fait partie des bons points de la crise sanitaire...
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