Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
O. Gergaud : « Les consommateurs plus curieux »
Professeur à la Kedge Business School et directeur du Centre d’excellence Food, Wine & Hospitality, Olivier Gergaud nous confie ses craintes et ses espoirs pour le secteur de la restauration. Entretien.
Certains restaurateurs se sont mis à proposer la vente à emporter pendant le confinement. Une offre qu’ils maintiennent malgré la réouverture de leurs établissements. Votre avis.
Ça répondait à un certain besoin de consommation. Et puis c’est toujours mieux que de garder son établissement fermé car ça a permis à certains de payer les frais fixes. Avec les règles de distanciation sociale en vigueur depuis la réouverture des restaurants, c’est aussi une façon de générer un plus gros chiffre d’affaires et donc de repousser les murs en quelque sorte. Mais la vente à emporter ne s’improvise pas. Ça demande toute une organisation, davantage de matériel et de personnel. C’est une prise de risque pour le restaurateur. Précision importante, à l’adresse des consommateurs : il ne faut pas confondre vente à emporter et livraison à domicile. Cette dernière offre, au travers des plateformes dédiées (Uber Eats, Deliveroo…) a un coût pour les restaurateurs qui leur abandonnent % du montant de la commande. Mais la vente à emporter ne peut pas remplacer l’expérience sociale du restaurant, la convivialité des lieux.
Justement, quand on voit les contraintes sanitaires imposées aux restaurants, ce n’est pas très engageant.
Il est surtout question de respecter un certain espacement entre les tables et de limiter le nombre de convives à une dizaine par table. On ne nous demande pas non plus de manger avec le masque. Mais cela perturbe évidemment le modèle économique des établissements. Ceci étant, pour s’assurer que les consommateurs reviennent, il faut pouvoir les rassurer. Les gens ne vont pas se ruer dans les restaurants au risque d’être contaminés. Ce qu’on attend avant tout d’un restaurateur, c’est donc qu’il nous protège. On espère tous que cette situation ne sera que temporaire, car les restaurants font partie de la culture française. En attendant, il est préférable de respecter quelques précautions pour accueillir les clients dans les meilleures conditions possibles.
À quels autres changements faut-il s’attendre ?
Pour rester sur le volet sanitaire, et toujours afin de rassurer les consommateurs, il serait important que les restaurateurs garantissent leur processus de préparation des plats par une certification. Sinon, sans parler de révolution, l’épidémie que nous avons connue va sans doute permettre d’accélérer les tendances. Les consommateurs, qui ont parfois découvert de nouveaux circuits d’approvisionnement pendant le confinement, vont être plus curieux de ce qu’il y a dans leur assiette. Les cartes courtes, les produits bio et les circuits courts vont être de plus en plus demandés. Sans juger les établissements qui se contentent de réchauffer des plats préparés, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les restaurateurs qui proposent des plats faits maison.
Plus de simplicité aussi ?
Peut-être pour les grandes tables qui vont devoir adapter leurs prestations aux possibilités financières de consommer aujourd’hui. J’en appelle également aux évaluateurs (le guide Michelin pour n’en citer qu’un) : qu’ils notent moins l’encadrement de la prestation, que la prestation elle-même. Ça permettrait de continuer à récompenser les chefs, tout en leur évitant de se mettre dans des situations financières compliquées pour atteindre l’excellence.