Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« Les pistes cyclables sont ou seront plébiscitées »
Conseiller interministériel à la sécurité routière durant cinq ans, Emmanuel Barbe est, depuis cet hiver, préfet de police des Bouches-du-Rhône. En expert, il décrypte les incidences de la crise Covid-19.
Pour qui s’intéresse à nos comportements sur la route Marseille, beau terrain d’observation ?
Ce n’est pas faux ! Ce qui m’affole le plus, c’est le problème de l’équipement des motards. Des gens font du deux-roues en short ; s’ils tombent, ils n’auront plus de jambes. Il y a quelque chose dans cette attitude qui insulte le destin. C’est très étonnant. J’ai demandé aux forces de l’ordre de verbaliser beaucoup plus le non-port des gants, seul point obligatoire, pour qu’à cette occasion soit abordée la question de la protection.
Pensez-vous que la crise changera durablement nos habitudes en matière de déplacements ?
Ce que l’on observe aujourd’hui, singulièrement à Marseille, mais aussi dans le département, c’est que l’on est encore assez loin du niveau maximal de circulation. Beaucoup de gens travaillent à distance ou n’ont pas repris, faute notamment d’avoir résolu le problème de la garde des enfants. Les transports en commun ne sont pas bondés et j’ai le sentiment que ce qui pourrait le mieux se développer, c’est le vélo électrique.
Pourquoi électrique ?
Tout simplement parce que dans les pays chauds – j’ai vécu en Italie –, si vous venez au bureau à vélo, sans assistance électrique, vous arrivez en sueur. Sans douche sur place, ce n’est pas praticable, d’autant que dans nos villes, il y a des côtes. Contrairement à Copenhague et
Amsterdam, les deux capitales de la bicyclette. Mais à Paris ou sur la corniche Kennedy à Marseille, les pistes cyclables sont ou seront plébiscitées. Quant aux trottinettes en location, je pense que cela ne reprendra pas tant qu’il y aura le Covid-. Les gens ont peur de toucher un objet que d’autres auront manipulé juste avant. Je ne sais pas si l’on peut parler de transferts modaux approfondis, mais il me semble assez évident que l’on ne retournera pas aux transports en commun tant que subsistera cette crainte de la promiscuité.
Sur l’irascibilité de l’homo y a-t-il des raisons d’espérer ?
automobilis
Dans les Bouches-du-Rhône, je n’ai pas l’impression qu’il y ait des changements fondamentaux dans les comportements. On a même vu, pendant le confinement, de très grands excès de vitesse. Ce qui me frappe, c’est que le Covid- a mis en évidence quelque chose qui, pour moi, était connu, la sécurité routière relevant aussi d’une politique de santé publique. Il s’agit, dans les deux cas, de faire baisser le nombre de victimes, et cela touche toute la population. Ce que je trouve intéressant avec cette crise sanitaire, c’est que l’on parle de quelque chose qui est fondé à la fois sur la peur pour soi-même et la peur pour les autres. Par exemple, beaucoup ont eu peur de contaminer leurs parents. Nos compatriotes sont donc capables de se comporter avec civisme, dans le sens de l’intérêt général. On a appris à se laver les mains, peutêtre, demain, mettra-t-on le clignotant ? Mais à Marseille, très franchement, on retrouve ce que l’on connaissait avant : des gens qui roulent très vite dans de petites rues ou qui doublent n’importe comment. On a dit que le monde serait meilleur ? Quand on voit tous ces masques par terre, on peut se demander s’il ne sera pas tout simplement pire.