Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
OBJECTIF SÉCURITÉ
Protocole strict pour éviter le virus à bord Reportage à l’embarquement du Mega Smeralda
Pour un touriste qui ne ferait pas attention aux détails, c’est une traversée pour la Corse comme une autre. Un bateau jaune et blanc, une musique d’ambiance qui n’a ni fin, ni début, et des enfants qui courent entre des sièges en skaï. Derrière cette ambiance de façade, tout l’équipage du Mega Smeralda s’active dans les ponts inférieurs pour éviter la diffusion du Covid-19 sur le bateau. Si les liaisons ont pu reprendre « en douceur » depuis le début du mois, c’est grâce à une machinerie sans faille qui combat autant le virus que l’inquiétude des passagers. Une heure et demie avant l’arrivée des premiers passagers du Toulon-Bastia, les dernières voitures de la traversée précédente quittent la cale. Au coeur du Mega Smeralda, vingt employés aux couleurs « jaune et noir » de la compagnie Corsica Ferries se pressent pour retourner les 535 cabines. Les mouvements secs de l’un d’eux, Marco, remuent ses cheveux pourtant plaqués par du gel. « Pour tuer les bactéries, on doit appliquer deux produits en plus, explique-t-il, les yeux rivés sur la lettrine de la chambre 6002 qu’il est en train de frotter. Un spray pour les rideaux ou la moquette, et de l’alcool pour les surfaces, les tables, les bords de lit. »
Un protocole spécial Covid strict
Son chef, Michele, passe derrière lui et doit suivre une « check-list spécial Covid » à rallonge. « Les méthodes ont complètement changé depuis qu’on a repris, explique-t-il. Et on ne s’est toujours pas fait aux masques. Ça ralentit considérablement le travail des personnels de ménage. Là où on en mettait 10 à 15 minutes avant, il faut compter au moins 20 minutes par chambre aujourd’hui. » Depuis la reprise des liaisons grand public [un service minimum de fret ayant été maintenu pendant le confinement pour ravitailler l’île, Ndlr] pour la Corse le 1er juillet, une vingtaine de d’employés est venue renforcer les rangs de l’équipage. Chacun d’entre eux est suivi médicalement. Un tableau retrace, quotidiennement, les températures, les pressions artérielles et les tests sanguins du personnel de bord. « On est obligé de tourner à 120-130 personnels naviguant désormais. C’est beaucoup, mais on n’a pas le choix : si l’on veut garantir de la place pour tout le monde, en respectant les distances de sécurité, il faut ouvrir tous les espaces du bateau », décode Antonino Polio, un Italien lui aussi, commandant du Mega Smeralda depuis trois ans. Sur le pont supérieur, à l’avant du bateau, le bar lounge est décoré de distributeurs de gel hydroalcoolique.
Des renforts sur le pont
Trois serveurs attendent. Un à la caisse, un au service, l’autre derrière le comptoir pour préparer les boissons. « Normalement, c’est le rôle du barman tout ça, mais pour éviter un maximum les contacts, on est obligés d’être plus nombreux sur un même poste, indique le commandant entre deux conseils aux touristes. Tout est devenu compliqué ». À trente minutes du départ, les passagers se perdent dans le labyrinthique coeur du navire. Les nouveaux sens de circulations dans les escaliers ne vont rien arranger. Désinfecter tout sur ce monstre d’acier aux murs imitation bois paraît impossible. Mais les efforts des employés servent aussi à rassurer les passagers. Un panneau rappelle les gestes barrières tous les 25 mètres et des messages à la voix suave reviennent souvent dans les haut-parleurs demander aux passagers de bien porter leur masque. De quoi rassurer Yohan et Aurélia, un couple de Grasse, venus passer quelques jours en Corse après avoir reporté plusieurs fois leur séjour à cause du confinement. « On vient en toute confiance, s’il le faut on mangera dans notre cabine pour éviter d’être en contact avec les gens. Mais après un an sans vacances, on est déjà partis dans nos têtes. » Leurs trois enfants renchérissent : « Si t’es pas prêt à accepter de porter le masque pour aller en vacances, t’as rien compris. Moi je le sens à peine », s’exclame Pablo, 13 ans.
Une cabine pour ne pas être contaminé
Si un passager venait à développer des symptômes suspects, un protocole strict doit être suivi par le personnel. La cabine en question et les cabines voisines doivent rester fermées jusqu’à l’arrivée du médecin du bord. Lui seul peut aller consulter des possibles cas de Covid-19. « Mais, et fort heureusement, on n’en est jamais arrivé jusque-là pour le moment, rassure Antonino Polio. On croise les doigts mais j’estime très faible la probabilité de devenir un cluster comme ça a pu être le cas des bateaux de croisières. Les gens ne restent que quelques heures, souvent dans leur chambre, et portent le masque. » Ce soir-là, seules 80 cabines ont été réservées. La veille, c’était 420. Les réservations sont variables, imprévisibles, comme dans d’autres secteurs touristiques cet été. Pour répondre à la demande, 4 à 5 bateaux par jour sont en service, contre 7 ou 8 les années précédentes. Les rangées de sièges, moins chères, ne sont pas réservables, afin d’éviter les contacts entre les passagers. « Moi, si je venais avec ma famille, je prendrais une cabine, au moins tu es tranquille... Il y a aura toujours quelques personnes pour dormir par terre, à leurs risques et périls, lâche le commandant Polio. Nous, on passe derrière pour nettoyer de toute façon. »