Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Leur bonheur est dans le pré depuis le XVIIe siècle

Depuis près de 400 ans, le coeur du village bat à l’unisson de celui de la famille Rouvier

- ANAÏS GRAND agrand@nicematin.fr

Un lundi sur deux, retrouvez le portrait d’agriculteu­rs de la Dracénie et du Haut-Var, qui se transmette­nt leur passion et leur savoir-faire de génération en génération. Aujourd’hui, rencontre avec la famille Rouvier, à Brenon.

Son grand-père Jean-Luc a le virus de l’élevage depuis tout petit. Et Erwan marche sur ses traces ! » Harmony Rouvier sourit en écoutant son fils de six ans, qui évoque l’arrivée prochaine des cochons dans le jardin. « Peut-être fera-t-il éleveur », rêve-t-elle. Cela ne fera qu’un de plus dans la famille. Jean-Luc Rouvier confirme d’un hochement de tête. Depuis le XVIIe siècle, presque tous font le même métier : berger. Dans la maison surplomban­t le village de Brenon, le patriarche visionne pour la centième fois les photos de son troupeau : deux mille brebis rouges de l’Ouest. « Petit, j’étais en permanence dans les prairies avec mon grand-père pour m’occuper des troupeaux, raconte le presque sexagénair­e. Alors, je suis devenu éleveur en plus de conseiller municipal ».

Le choc de 

Dès l’âge de six ans, Jean-Luc conduit le tracteur familial. Souvent, il essaie de créer de nouvelles espèces d’animaux en les croisant. « Un jour, j’ai réussi à faire naître un lapin blanc grâce à des siamois », se félicite-t-il encore aujourd’hui. Mais en 1965, tout s’arrête. Ses grands-parents vendent le troupeau. Il se dirige alors vers l’agricultur­e, comme ses arrières grands-parents. Un choix que son père, maçon, désaprouve. Il aurait aimé que je fasse le même métier que lui, soupire Jean-Luc. Mais ce n’était pas pour moi ». À 18 ans, avec pour seule qualificat­ion un certificat d’aptitude profession­nel (CAP) agricole, il se lance : « Je n’avais strictemen­t rien. Aucune terre, aucun animal… Je suis parti de rien ». Son caractère nerveux est un héritage de ses débuts difficiles. S’il réussit à récupérer quelques terres de sa famille, elles sont alors à l’abandon. Et le jeune homme manque de formation. « Il fallait donc que je fasse un stage. Je me suis retrouvé en comptabili­té et gestion pendant 3 mois. C’est là que j’ai rencontré ma femme, Caroline. » Dans la chambre froide adjacente à la maison, l’intéressée découpe la viande qui sera vendue mercredi au marché de Fréjus par Laurent, son fils. Elle embraye avec un clin d’oeil complice : « J’étais son professeur. Il m’a convaincue de tout lâcher pour le rejoindre ici. » Les parents de Caroline participen­t à l’achat de la maison du couple surplomban­t Brenon.

De Paris à Brenon

Parisienne de naissance, la jeune femme n’était en rien destinée à se tourner vers la terre. La nature l’appelle alors qu’elle est adolescent­e : « Lorsque je suis partie, à 17 ans, mes amis et ma famille n’ont pas compris mon choix. Je les ai un peu perdus de vue depuis. » Un gros changement de vie pour celle qui passe toutes ses journées auprès de son mari, 7 jours sur 7, depuis 30 ans. Pourtant, entre eux, les disputes sont rares. Au travail, comme au quotidien. « Et c’est pareil pour notre fils Laurent et sa femme Harmony », pointe-t-elle.

Fusion de génération­s

Laurent et Harmony se sont rencontrés il y a huit ans. Le jeune homme s’était inscrit sur un site de rencontres spécialisé. C’est par ce biais qu’il a rencontré sa compagne. « Tout est allé très vite entre nous », précise-t-elle, bataillant avec ses deux fils qui se disputent pour le choix de la chaîne télé.

Harmony rejoint son amoureux à Brenon pendant une semaine. Puis revient pour un mois. Avant de s’y installer définitive­ment, dans une maison neuve, construite il y a quelques mois à une centaine de mètres de ses beaux-parents. Sa première année de mariage, elle la passe avec son mari sur les quelque 150 hectares de terre. Surtout avec les vaches – sa première passion. « Je suis tombée dans l’agricultur­e un peu comme Caroline. Mon père est tatoueur, ma mère femme de ménage. La seule différence, c’est que je me suis un peu cherchée avant. J’ai d’abord pensé à me diriger vers l’armée. Mais j’ai toujours adoré la nature et les animaux », raconte-t-elle, un chaton dans les bras. Elle se retrouve aujourd’hui associée à sa belle-famille comme à son mari, au travail et dans la vie. « Lorsque je ne vois pas Laurent de la journée, je perds presque mes repères », confie-t-elle. Ensemble, les Rouvier ont trouvé un bel équilibre. Chacun à sa tâche. Jean-Luc, le père, auprès des troupeaux en montagne. Caroline, la mère, dans la découpe de la viande ou la bergerie. Laurent, le fils, sur la vente en circuit court lors des marchés. Et Harmony, en bergerie, auprès des agneaux et brebis. « Erwan, le cadet de nos deux fils, s’intéresse beaucoup aux cochons », s’amuse-t-elle. Seule Lucie, la soeur de Laurent, a choisi une autre voie : responsabl­e de laboratoir­e en parfumerie. « Mais elle habite ici, avec nous. Elle ne souhaitait pas partir définitive­ment », sourit Jean-Luc. Toujours ensemble. C’est peutêtre le secret caché – et paradoxal – de cette famille soudée.

 ?? (Photos Philippe Arnassan) ?? En plus d’être bergers et éleveurs, les membres de la famille Rouvier siègent tous à la mairie de Brenon. De gauche à droite : Caroline, Jean-Luc, Laurent et Harmony.
(Photos Philippe Arnassan) En plus d’être bergers et éleveurs, les membres de la famille Rouvier siègent tous à la mairie de Brenon. De gauche à droite : Caroline, Jean-Luc, Laurent et Harmony.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France