Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Coriolan, le hameau rêvé de Jacques Oubradous
Le Plan-de-la-Tour Dans les années 70, il crée un nouveau style architectural. Ce visionnaire fait surgir des maisons rondes, respectueuses de leur environnement. Précurseur et contesté...
« Regardez où je suis, c’est le paradis ». Depuis dix ans, Marcel Nagelmackers vit un rêve éveillé dans sa maison du hameau de Coriolan. « On louait à Salernes, ma femme regardait dans l’immobilier quelque chose de nouveau. Elle a trouvé le hameau de Corolian, elle a descendu le chemin jusqu’à la dernière maison. Et elle a dit : c’est là ! » Là, c’est à quelques kilomètres du village du Plan-de-la-Tour, un domaine de 7 hectares au milieu des chênes et des oliviers. Avec une vue solaire sur la vallée du Plan et les collines aux rochers saillants. L’ensemble créé pendant la décennie 70 par Jacques Oubradous reste d’une modernité absolue. L’épais crépi qui habille encore certains modules a souvent disparu. Des maisons rondes, des patiosterrasses irradiés d’un ensoleillement maximal. « C’est une architecture bizarre : en fait, il n’y a rien qui est droit », sourit ce Belge, intarissable sur ce projet futuriste.
Des maisons pas comme les autres
Son voisin connaît encore mieux le passé de ce hameau. « J’étais en vacances à Sainte-Maxime. La résidence n’était pas terminée – la route, l’électricité –, mais les mas oui », se souvient Jean-Louis Monnier : 40 ans qu’il réside dans cette enclave, tombé totalement sous le charme de « cette architecture – et de son concepteur, un homme adorable. On appelait ça des tours, mais c’est une erreur. La façon dont cela a été imaginé, c’est assez étonnant. Les formes, j’ai tout de suite aimé ça ». Pourtant, un an après son acquisition, un départ de feu aurait pu tout détruire. « Un feu sec. J’ai toujours été persuadé que c’était volontaire. Les gens du coin n’aimaient pas trop Coriolan à l’époque » ,assure-t-il. Il faut se glisser dans les années 70 pour imaginer cette révolution architecturale. Un habitat sphérique, divisé en trois entités, comme des camemberts. Aucun contact visuel, grâce à ces jardins secrets. Des courbes elliptiques qui donnaient à ces 19 modules anti-sismique, implantés dans la colline, l’allure d’Ovni. Une architecture en écho à ce que recherche alors Antti Lovag. Laurence Oubradous voit les choses sous un autre prisme : celui du projet de son mari. Dès son diplôme des Arts et métiers en poche, Jacques Oubradous avait rejoint le Gabon. Mais, malade, il retrouve la France, le Sud où il a des attaches. En achetant ce terrain à Plan-de-laTour, « on voulait d’abord faire une pépinière, avoue-t-elle. Il n’y avait rien, il y avait déjà eu un feu ». Le BTP est en crise, l’ingénieur est friand des nouvelles techniques, dont le Stucanet (béton projeté), un procédé qu’il utilisera pour édifier les modules. Il se lie d’amitié avec des urbanistes varois et découvre, lors d’un voyage, l’habitat du désert marocain. Il s’en inspire pour Coriolan, dans un mélange rustique et expérimental. Des modules circulaires protecteurs contre les vents : « Beaucoup de résidents n’ont pas compris qu’ils ne devaient rien ajouter pour respecter le but de ces sphères », constate-t-elle.
Tollé au conseil municipal
Avant cela, le projet doit être validé par les autorités. Le maire de l’époque, Marcel Auméran, lui avait soufflé : « Vous êtes fou mon petit, mais tu y arriveras ». « Le maire, ça l’amusait beaucoup ce projet, mais il ne voulait pas que ça se sache. » Présenté en conseil, le dossier récolte un tollé, malgré son défenseur de l’ombre. « On m’appelait la femme des camemberts ! On a été haï. Il s’est fait beaucoup d’ennemis mais beaucoup d’amis aussi. » Finalement, le projet est amorcé. « On n’avait pas un rond, il fallait des acheteurs pour lancer la construction. L’un des premiers clients, Jacques lui a dessiné un cercle sur le terrain noir. On avait besoin de dix réservations pour obtenir le prêt. » Avant d’y travailler « comme une malade. Ce n’était pas un homme d’affaires mon mari, en fait il aimait l’aventure ! », lâche-t-elle depuis sa maison naturelle, en dehors du hameau qu’elle observe avec distanciation : «Jenesaispassije l’aime... Jacques avait un esprit communautaire. Il voulait faire des habitations pas chères, simples, pour tous. C’est raté ! ». Après ce projet, Jacques Oubradous s’orientera vers l’habitat solaire...