Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Bétonnisation : Jean-Pierre Giran écrit à Jean Castex
Soulignant la contradiction de l’État, le maire d’Hyères demande au Premier ministre d’arbitrer entre la volonté de réduire la bétonnisation et la nécessité de construire des logements sociaux
Jean-Pierre Giran, maire d’Hyères et 1er président de la Métropole TPM, en charge de l’aménagement, a trouvé pour le moins « original » les annonces de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, visant à « diviser par deux le rythme de bétonisation dans les dix ans à venir ». Lundi, au sortir d’un conseil de défense écologique à l’Élysée, retenant certaines recommandations de la Convention citoyenne pour le climat (Var-matin d’hier), la ministre a dit la volonté de l’État de lutter contre l’artificialisation des sols, l’une des principales causes de la perte de biodiversité, qui augmente les risques naturels par ruissellement et accentue la dépendance à la voiture individuelle. Dans une lettre au Premier ministre Jean Castex, le maire d’Hyères explique : « Je ne peux qu’approuver un tel objectif ayant été moimême très engagé dans la protection de l’environnement et de la biodiversité lorsque j’étais rapporteur à l’Assemblée nationale de la loi de 2006 sur les parcs nationaux ou que je présidais l’établissement public Parcs nationaux de France. « Certes, ce moratoire semble surtout viser le développement des zones commerciales en périphérie des villes. Mais comment ne pas imaginer qu’il suggère aussi une réduction du rythme de l’urbanisation et de ses effets sur les terres disponibles ? »
« Déplorable surnom de bétonneur »
Le maire d’Hyères appuie : « On touche là à un paradoxe, sinon à une contradiction. Le gouvernement fait, en effet, appliquer avec zèle la loi SRU imposant à toutes les communes de plus de 3 000 habitants de disposer d’un ratio de 25 % de logements sociaux. À ce titre, la ville d’Hyères vient de se voir signifier par le préfet du Var l’intention d’être mise en carence, faute d’atteindre suffisamment rapidement les objectifs fixés. « Ainsi, d’un côté le gouvernement freine et de l’autre, il accélère. La conduite risque de devenir difficile. Elle le sera d’autant plus lorsque, comme dans ma ville, toutes les contraintes, d’ailleurs légitimes, limitant les possibilités de construire s’additionnent : zones inondables, zones soumises à la submersion, zones humides, espaces naturels remarquables, loi littoral, terres agricoles, servitude radioélectrique de l’aéroport, sites patrimoniaux remarquables... et j’en passe. » Faisant référence à la campagne des municipales durant laquelle il a été critiqué pour l’urbanisation d’Hyères, le maire explique : « Malgré ce contexte extrêmement contraint, la ville d’Hyères a tout fait pour aller dans le sens de la loi SRU et son maire y a acquis le redoutable et déplorable surnom de “bétonneur”. Vous comprendrez donc qu’audelà de la contradiction des objectifs gouvernementaux, j’éprouve, à titre personnel, un sentiment de grande injustice ». Selon Jean-Pierre Giran, la loi SRU a le défaut « d’être applicable partout, dans des conditions identiques, même si l’histoire, l’environnement et le destin des villes concernées sont totalement différents. Je pense qu’il y a urgence. Plutôt que d’ignorer ces problèmes qui peuvent conduire à abîmer des villes dont le patrimoine naturel, agricole et culturel fait notre richesse et notre fierté, il me paraît indispensable d’adapter la loi SRU est ses contraintes à la réalité des territoires ». Il formule des propositions déjà développées par des maires du Var dont les communes ne remplissent pas les objectifs de 25 % de logements sociaux : « Doit-on fixer le taux de logements sociaux sur un périmètre plus vaste que celui d’une ville comme, par exemple celui d’une métropole ? Doit-on fixer la contrainte en terme de flux de logements plutôt qu’en terme de stocks pour la rendre plus absorbable ? Doit-on laisser au préfet, par la loi, une large marge d’appréciation pour tenir compte des différences de situations ? »
« Le sujet est grave »
Il conclut : « Monsieur le Premier ministre, le sujet est grave, notamment pour les communes du littoral qu’on sollicite dans le même temps pour protéger leur environnement d’exception et pour promouvoir un tourisme durable. Je me tiens à votre disposition si vous pensez que je peux être utile à la réflexion que vous souhaiteriez mener ».