Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
LA PLANÈTE GORE !
On adore les films d’horreur avec les enfants. Il nous en faut pour nous impressionner. Pourtant, lorsque des amis nous ont conseillé d’aller voir « absolument » une rétrospective art contemporain du XXIe siècle, nous avons tous pris une sacrée claque.
On savait que les drogues avaient fait des ravages dans les pays occidentaux au siècle dernier, mais on n’avait pas mesuré à quel point les psychotropes avaient pu à ce point déchaîner l’imagination des artistes d’alors.
Avec Sandrine, ma compagne, Julian et Esmeralda, nos enfants, nous sommes sortis du nouveau Musée d’Orsay, totalement rénové et digitalisé début , avec une nausée indescriptible. Ce que nous avions dû contempler ferait passer les scènes gores de « Massacre à la tronçonneuse solaire » pour une bluette.
C’est dire.
L’expo s’appelait « Poubelle ». Ça débutait par des oeuvres d’Arman comme une évidence. Accumulation sans surprise. Un peu plus loin, les débris de Niki de Saint Phalle tissaient les oripeaux d’une fashion week apocalyptique.
Mais ce qui nous bouleversa jusqu’à la tétanie ce fut le baroque punk des sculptures d’un certain Tim Noble. Ça pullulait d’une profusion de déchets de consommation courante.
Une toile représentant l’agonie d’une baleine blanche dans un océan de déchets nous terrifia. La bestiole s’étouffait dans des hectolitres de vomi, croyait-on. Mais à y regarder de plus près, c’est dans une colossale bouillie de plastique que le cétacé semblait s’enliser.
Un amalgame de sacs, virant du bleu Ikea au jaune d’une marque nippone indéchiffrable, imbriquée dans une foultitude de pochons déchiquetés, entortillés qui, un jour, avaient dû être d’un blanc immaculé à la caisse d’une supérette de Singapour, Bombay, Sydney ou L’Escarène.
L’artiste dans un délire absurde avait saisi le monstre marin prisonnier d’une infernale matrice constellée de milliers de bouteilles ; compression composite de vert Badoit, de rouge Coca, de transparence écrabouillée.
Le tout comme hérissé de centaines de milliers de pailles semblait cimenté par des torsades d’algues grasses, grimpantes, jumanjiesques, encore toutes gluantes et dégoulinantes des sucs gastriques du cétacé torturé.
En vrai, malgré notre accoutumance à la fiction horrifique, nous dûmes fuir les tableaux de cette exposition. La terreur que ces délires de pseudo-artistes nous inspirèrent ne fut rien à côté de la colère qui s’empara de nous tous. « C’est tellement gratuit », tonna alors mon épouse.
Le calme revenu, cette expérience nous permit toutefois de réfléchir au sens de l’art.
lieues sous les mers,
Vingt mille