Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« On a dépassé les limites de ce qu’on peut accepter »
Il devrait se réjouir de voir autant de monde, et même une file d’attente le matin avant l’ouverture. Pourtant, Benoît Chappon, cogérant d’une structure de location d’embarcations pour la société d’économie mixte de développement touristique de Moustiers, est amer : «
On faisait déjà une très bonne saison l’an dernier. Mais cette année, la surfréquentation est un problème. On a dépassé les limites de ce qu’on peut accepter, dit-il. On nettoie tous les jours. On récupère un max de choses que les clients nous laissent. Le parking sert de dépotoir. C’est très sale. Et au niveau environnemental, c’est pareil. »
Risques sanitaires
Les cadences du ramassage des poubelles ont été augmentées cette année mais certains jettent tout par terre. « Les gens font de la consommation d’espace naturel, c’est très égoïste. Ils se fichent de ce qu’ils laissent derrière eux, n’ont aucun scrupule à ajouter de la pollution à la pollution, commente Ulysse Viaud, responsable du secteur centre des écogardes. Le volume de déchets est énorme. Les bacs de tri ou de tout-venant sont pleins en permanence. La gestion de ce service a un coût faramineux et ce sont les habitants du territoire qui payent ça. » Les déchets sont partout : dans les fourrés, près des aires de stationnement, au bord de l’eau. Cela attire les animaux sauvages, sangliers, renards, qui éventrent les sacs. Il n’y a pas que des emballages, mais des masques de protection en grand nombre sur les berges, et d’autres matières humaines derrière les buissons. Il y a pourtant des toilettes sèches autour du lac, même si à la plage de l’Étoile, près du pont du Galetas, celles-ci sont condamnées suite à un problème de fonctionnement. « Cela ne justifie pas ce que l’on voit, s’agace l’un des responsables des écogardes. Il y a un public peu respectueux et de nombreuses dégradations. Même là où il y a des toilettes sèches, les gens vont dans la nature… » Il souligne les risques sanitaires, puisque le lac de Sainte-Croix, où finissent les déchets aux premières pluies, alimente en eau, même si elle est traitée, les villages alentour et des grandes villes de la région. Les enceintes portatives sont un autre fléau. Elles dérangent les gens et les animaux sauvages des gorges, vautours, chamois, chauve-souris. Elles sont pourtant interdites sur les berges et dans les gorges. Les contrevenants s’exposent même à 135 euros d’amende. Des affiches ont été posées et données aux loueurs de bateaux et pédalos : « 90 % de la clientèle ce sont des Français, ce sont les pires en termes de respect, déclare Benoît Chappon. On essaie de sensibiliser, mais on n’est pas des médiateurs sociaux. En juin, après le confinement les gens faisaient n’importe quoi, on a vu des jeunes des grandes métropoles de la région, venir faire la fête, on a récupéré des gars en coma éthylique dans les gorges, certains venaient avec des enceintes de concert de plein air… »
Inquiétude pour l’avenir
Pendant qu’il raconte cela, un vacancier de l’Ariège nous prend à témoin : « Vous êtes journalistes, vous faites un reportage ? Montrez ce que vous voyez. C’est dégueulasse. Je suis écoeuré par le comportement des gens, ce sont des porcs. J’étais en paddle, j’ai ramassé cinq ou six bouteilles en plastique dans l’eau. » Malgré plus d’agents sur le terrain, les gardes régionaux forestiers, les écogardes, les renforts sur le bas Verdon, les basses gorges – soit 25 personnes au quotidien, qui ont sensibilisé plus de 10 000 visiteurs à ce jour, sans compter les services de l’État, ONF, ONB, gendarmerie –, la tâche reste immense face à l’incivisme de quelques-uns. Les écogardes pointent la responsabilité des réseaux sociaux dans cette surfréquentation : « Certains postent de très belles images, et dans la foulée, on voit des phénomènes de masse. C’est une communication qu’on ne maîtrise pas, regrette Ulysse Viaud. Cette année c’est dramatique, je suis très inquiet pour la suite du Verdon. »