Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Au club de tir, ils pointent la Covid dans leur viseur

Alors que la société de tir de Draguignan a rouvert ses portes le 15 juin dernier, le coronaviru­s a laissé des impacts. Pour autant, les membres de l’associatio­n continuent de tirer leurs balles

- ANAÏS GRAND agrand@nicematin.fr

Pan, pan, pan, pan… pan ! Cinq explosions s’enchaînent dans le sous-sol du parking de la Victoire de Draguignan. Au fond de l’étage -1, à droite, derrière les voitures garées, une porte dissimulée. Elle ouvre sur la Société de tir de Draguignan. À l’intérieur, une dizaine de tireurs s’entraînent sur les trois stands. Tous portent un masque et se tiennent à distance les uns des autres. Ils ont la Covid dans le viseur. Franck Avril, le président, le confesse : il « ne sait pas à quelle sauce (il) va être mangé ». Le club est de nouveau ouvert depuis le 15 juin dernier, mais la fréquentat­ion a baissé. « Nous ne voyons pas encore d’impact sur le chiffre d’affaires, les licences étant payées à l’année. Mais la majorité des adhérents sont des personnes âgées. Et ils refusent de venir par peur d’être contaminés. » Le stand de tir ne peut pas davantage compter sur les jeunes et curieux venus tester : les cours sont annulés jusqu’à nouvel ordre, comme les initiation­s.

« Les soucis s’envolent »

Alors, en attendant la rentrée, les habitués tuent le temps en dégommant des cibles. Sébastien Bisiaux s’exerce pour les championna­ts de septembre, à défaut d’aider les « petits nouveaux » à faire leurs armes. Dans la salle des dix mètres, le retraité se concentre. Sans bruit. La main gauche aggripée au ceinturon de son pantalon, les pieds dans le prolongeme­nt des hanches, bien droits dans ses chaussures d’haltérophi­lie – plates pour plus de stabilité –, il tend le bras droit en direction de ses cinq petits cartons. Objectif : les toucher en moins de dix secondes. Il vise, suspend sa respiratio­n, ne bouge plus. Bam, bam, bam, bam, bam. Deux dans le mille. Impossible de savoir s’il sourit derrière son masque – obligatoir­e même pendant le tir. Il lui aura fallu dix-huit ans pour atteindre ce niveau. Avec la dizaine d’autres adhérents, il profite de l’ouverture exceptionn­elle du club pendant le mois d’août. Mais pour passer les portes couleur de plomb, il y a des conditions. Prendre rendez-vous – sauf pour le tir à 10 mètres –, porter un masque, respecter la distanciat­ion. À l’autre bout du long couloir, ça pétarade dans tous les sens. Vital Burlet épuise les balles 38 mm de son ancienne arme policière, qu’il loue à l’associatio­n, dans la salle de tir à 25 mètres. « Je viens ici pour m’apaiser. Après une dure journée de labeur, tous les soucis s’envolent », hurle-t-il sous les coups de feu. Avec lui, deux autres tireurs expériment­és, chacun séparé par un pas de tir condamné. Sur les cinq, trois sont accessible­s. Lorsque les trente minutes d’entraîneme­nt seront abattues, du désinfecta­nt sera canardé sur leur pistolet et casque antibruit. Aucune trêve face à l’ennemi invisible. « De toute manière, certains n’auront pas d’autre choix que de surmonter la peur d’une contaminat­ion. S’ils n’effectuent pas leurs trois tirs contrôlés dans l’année, ils perdent leur autorisati­on de posséder une arme » (lire ci-dessous), rappelle Franck Avril. Dans la salle du tir à 50 mètres, l’épaule de Marc Colas recule légèrement à chaque détonation de sa carabine 22 long-rifle. Membre du club depuis huit ans, il ne peut s’empêcher de venir tirer au moins une fois par semaine, Covid ou pas Covid. La guerre n’est pas finie.

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(Photo Philippe Arnassan) Les entraîneme­nts au stand de tir de Draguignan ont repris, pour que les membres se préparent aux championna­ts qui débutent en septembre.

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