Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

À Cavalaire, des cheveux pour nettoyer la mer

Le port de Cavalaire teste des boudins fabriqués avec des cheveux récupérés chez les coiffeurs varois. Cette méthode écolo permet de mieux filtrer l’eau de mer des nappes d’hydrocarbu­res

- Q.B. qboulezaz@nicematin.fr

Quelques gouttes de gasoil dans la mer, et c’est toute une surface qui est polluée. Les flaques d’hydrocarbu­res, aussi étendues soientelle­s, sont provoquées par de petites quantités déversées dans la mer. Pour freiner leur avancée, des boudins - en matière synthétiqu­e - filtrent l’eau des polluants. Après des expérience­s concluante­s à l’étranger (lire notre encadré), un coiffeur varois a imaginé des boudins remplis de cheveux coupés. Ces restes de toisons sont difficilem­ent traités, alors qu’ils sont une excellente matière filtrante. Les boudins sont conçus et fabriqués par l’associatio­n « Coiffeurs justes », basée à Saint-Zacharie. Valorisati­on des déchets oblige, les bouclettes sont empaquetée­s dans des bas en nylon usés. Une économie circulaire se met alors en place. Leur nouvelle vie des déchets est locale, coûte moins cher que les matières synthétiqu­es, et a un impact quasi nul sur l’environnem­ent.

Des cheveux varois pour l’île Maurice

La moitié des cheveux récoltée par l’associatio­n - soit vingt tonnes - a même été envoyée destinatio­n l’île Maurice. Ces touffes de salons varois partent freiner la propagatio­n des nappes d’hydrocarbu­res. Mais l’associatio­n comptait essayer le projet à l’échelle locale, pour prévenir les pollutions du quotidien. Grâce à son label « port propre », Cavalaire apparaissa­it comme candidate naturelle du projet pilote. Dans la station balnéaire, les boudins sont remplis avec un kilogramme de cheveux. Suffisant pour adsorber 8 litres d’hydrocarbu­res. Non pas absorbé mais « adsorbé », comme les tignasses collectent les hydrocarbu­res sans les retenir. Un peu comme une éponge, qu’il suffit de presser et de nettoyer avant un nouvel usage.

Des cheveux comme une éponge

Pour réutiliser le boudin, les frisettes sont lavées, et retournent en mer. Les hydrocarbu­res sont traités à part. Autre avantage du cheveu : il flotte. Certains boudins dits écologique­s, comme en liège, coulent au fil du temps à force de stocker des hydrocarbu­res. « La première pollution contre laquelle on lutte est celle de la station d’avitaillem­ent », explique Cyril Grimal, directeur adjoint du port Heraclea. La moindre goutte qui échappe du pistolet à gasoil nuit à la faune. Quand les poissons remontent à la surface pour se nourrir, ils ingèrent des hydrocarbu­res. La seconde cible est la fuite des cale-moteurs. Une pollution sous-estimée comme le résume Cyril Grimal : « Le moteur peut perdre un peu d’huile, comme une voiture. Il y a toujours une petite goutte en fond de cale. Quand il pleut et que le cale-moteur a un défaut d’étanchéité, la pluie s’infiltre avec les résidus d’huile. » La pompe du moteur rejette les deux liquides. L’huile se retrouve alors en mer. Au port d’Heraclea, les boudins sont reliés entre eux par une corde. S’ils partent à la dérive et se collent au quai, la légère pression sur le dispositif rejette un peu d’hydrocarbu­res. La corde est installée en fonction des courants marins. La propagatio­n de la nappe de pétrole est freinée au plus vite.

Bientôt fabriqués à Cavalaire ?

Un salon de coiffure cavalairoi­s a déjà rejoint « Coiffeurs justes ». Cyril Grimal assure que d’autres souhaitent participer à cet élan de développem­ent durable : « L’objectif, c’est de recycler quelque chose produit localement. Les cheveux de Cavalaire utilisés pour réduire la pollution, c’est parfait pour rentrer dans le projet d’économie circulaire. » Et, pourquoi pas, de fabriquer ces boudins à Cavalaire. Le port cherche des partenaria­ts avec des instituts médico-éducatifs locaux capables d’ouvrir un atelier. Si l’expérience réussit, les équipes du port visent haut pour la saison prochaine. Le port d’Heraclea table sur un encercleme­nt complet de la station d’avitaillem­ent, ainsi qu’un boudin par bateau amarré.

‘‘ L’objectif est de recycler localement”

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Autour de la corde que tient Cyril Grimal, six boudins adsorbent une flaque de pétrole.

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