Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
À la chasse aux trésors bien cachés de Trigance
Isolé dans la vallée, le village regorge de secrets insoupçonnables. On a tenté de les percer, mais difficile de délier les langues…
Chaque samedi cet été, partez à la découverte d’un village. Ses lieux incontournables, ses visages emblématiques, ses mystères… Venez visiter !
Nous avons pas mal de trésors cachés ici… Insoupçonnables, même », sourit JeanYves Chodorge, membre de l’association pour la sauvegarde du patrimoine historique de Trigance. Et pour les découvrir, pas besoin d’aller très loin. Enfin presque. Trigance est un village qui se mérite. Perché à quelque mille mètres d’altitude, il faut troquer son véhicule pour ses gambettes pour commencer la chasse aux pépites, souvent bien cachées. Dans les ruelles parfois étroites, un conseil : ouvrez grands les yeux. Des petits trésors, partout. Une dalle de pierre attestant de la présence de l’ancienne maison du maréchal-ferrant, une Marianne sculptée, des portes datant de plusieurs siècles… Et au détour d’une allée, une chapelle carolingienne du IXe siècle. Pas n’importe laquelle ! « La seule de la région Paca. Unique par ses angles arrondis, mais totalement inconnue, car engloutie sous la végétation », décrit le bénévole.
Chasse au trésor
Mais c’est surtout dans l’église Saint-Michel que les plus précieuses richesses secrètes sont placées à l’abri des regards. Devant la petite porte en bois, Jean-Yves, Robert Lions – figure locale –, Gilbert Suzan (adjoint à la culture), et le maire Stéphane Laval insistent : « Il faut rester discrets. » Le suspense est à son comble. Et les acolytes n’hésitent pas à le faire durer. «Ilyaun tableau et une croix de procession en argent du XVe siècle, inestimables. Trouvez-les », suggère JeanYves, toutes pupilles étincelantes. Trônant à droite du choeur, la croix fait de l’oeil. Mais non loin d’elle, c’est le tableau qui retient toutes l’attention. « Récemment, un conservateur de passage est venu visiter l’église. Il est tombé amoureux de l’oeuvre, datant de 1634. C’est un des premiers tableaux qui ont rendu célèbre Sébastien Bourdon. Et personne ne savait qu’il était là », s’ébahit le bénévole. Pas même Robert Lions, qui, pourtant, a fait sa communion ici même, en 1957. Encore moins les 9 prêtres et 18 seigneurs enterrés sous les dalles de pierre de l’édifice…
Secret de famille
La nef est interdite aux visiteurs aujourd’hui. Mais certains curieux peuvent quand même l’arpenter, si les conservateurs ont une sacrée confiance en eux. « Nous avons peur de nous les faire voler », confient les deux élus municipaux. Alors profil bas, « le temps qu’on puisse les placer dans un lieu plus sécurisé », informe le maire. Peu d’informations ont été transmises au public, reste que la découverte de l’oeuvre a fait jaser, sur la place du village, où les quelque 185 habitants se retrouvent souvent, à l’ombre du platane, autour d’un verre, tandis que la trentaine d’enfants joue en sécurité… D’autres attendent leur pain sortant tout juste du four communal chauffé au feu de bois, vieux de 1870. Il n’y a qu’à suivre les odeurs alléchantes pour trouver Luc Bastiani, le boulanger, en pleine préparation de la nouvelle fournée. Dans la cavité longue de 3,8 mètres, il fait cuire au maximum 240 michettes. Mais il ne dévoilera pas le secret de sa recette, vielle de trois générations. Le secret, c’est justement ce qui caractérise les Trigançois. Ne comptez pas sur eux pour vous révéler les coins à champignons. « Ah ça non, je garde les cèpes pour moi. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il y a de très très bons coins, à trois pas du village », rigole Robert Lions. Ça aussi, classé secret-défense. À vous d’arpenter les alentours pour cueillir des morilles, girolles, chanterelles ou encore des sanguins. À Trigance, il faut avoir des yeux partout, pour y dénicher les trésors.