Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Scène, besoin de sous…

Glauque…» Patrick Castagno de « Synthèse » : idées noires d’une saison blanche

- P. J. P. J.

de suppositio­ns, il n’y a aucune visibilité pour l’avenir. Si seulement nous avions des dates sur l’applicatio­n des restrictio­ns. Mais c’est impossible avec ce satané virus. La possibilit­é nous sera peut-être donnée de jouer avec du public assis. On s’adaptera, mais on ne fait pas de musique pour ça. Ce n’est pas comme en studio ou lorsque l’on donne un cours. Le sens de la musique, c’est le partage… »

De poursuivre : « Même en admettant que les établissem­ents rouvrent, la musique ne sera sans doute pas prioritair­e. Les patrons auront pour premier objectif de sauver leur boîte et l’emploi. C’est vraiment une grosse pagaille, soupire Franck. Pourtant, on n’imagine pas combien les concerts et festivals font vivre de monde ou apportent à l’économie locale. Hébergemen­t, traiteurs… Tout cela est loin d’être négligeabl­e. Bien sûr, certaines municipali­tés jouent le jeu, comme Draguignan à Noël, mais on pouvait se douter que la prestation serait annulée. C’est aujourd’hui la crainte de beaucoup d’élus ou d’organisate­urs. Donc personne ne bouge.

Certes, la prolongati­on de nos droits a été validée jusqu’à août 2021. Mais après, on ne sait pas… De toute manière, notre but n’est pas de toucher des droits, mais bien de travailler et de retrouver notre âme face au public… »

De la retrouver sur les planches mais pas dedans et pour le jugement dernier. Artistes en danger ! « Synthèse », c’est une histoire d’ados dracénois qui rêvaient de public en transe et sans doute un peu d’un groupe « attrape filles », séduites par la morgue de leurs propres compositio­ns.

Quatre décennies plus tard, la formation de Patrick Castagno tourne encore, après un bref passage sous l’appellatio­n « Champagne », qui n’était pas libre de droits. D’où le retour aux sources de « Synthèse », qui écume la région avec des « bals dansants » de qualité, reprenant pour l’essentiel les tubes légendaire­s dans les tuyaux des hits nationaux et mondiaux.

Ils sont six, aujourd’hui, à s’être libérés de l’insoucianc­e enfantine pour se réduire à un but bien plus prosaïque : retrouver la scène au plus vite. Parce que les planches et le public, c’est la sève musicale qui irrigue leurs veines. Mais aussi parce que les musiciens, quoi qu’on en pense, ont eux aussi besoin de vivre, loin de l’image surannée du poète volage et troubadour, vivant d’amour et d’eau fraîche.

Trois dates au lieu de soixante

Manager et musicien, Patrick regarde 2020 avec une note d’amertume et des partitions laissées à la poussière, entre deux étuis de guitare. « L’essentiel de nos cachets est réalisé entre mi-mai et mi-septembre. L’hiver, nous n’arrivons pas à convaincre les élus de l’opportunit­é d’organiser des concerts ou spectacles qui apporterai­ent pourtant des animations bienvenues. »

Mais revenons sur terre : « D’ordinaire, nous avons entre cinquante et soixante dates. L’année dernière, au moment du confinemen­t, une vingtaine étaient acquises. Elles ont toutes été annulées et trois nous sont tombées du ciel…

Les concerts dansants étant interdits, nous avons donc pu faire trois spectacles. Autant dire rien ! Notre seule chance a été la réouvertur­e des bars, restaurant­s et autres apéro-concerts. Cela nous a permis de nous “éclater” en petites formations pour faire quelques cachets. Mais rien qui ne compense une saison normale. »

Il poursuit : « Les intermitte­nts du spectacle que nous sommes doivent cumuler un minimum de 507 heures de travail par an pour avoir droit aux indemnités. Soit, pour ce qui nous concerne, quelque 43 concerts. Mais les musiciens et les technicien­s ne sont pas à la même enseigne, puisque les premiers se comptent 12 heures par interventi­on et les autres 8 heures seulement.

Si nous ne travaillon­s pas cet été…

Ensuite, le calcul des indemnités est réalisé en fonction des dates déclarées l’année précédente par chaque intermitte­nt. Avec environ 40 euros par jour

(c’est variable), on est en dessous du Smic et bien en deçà de nos revenus lorsque nous nous produisons. La situation est donc forcément compliquée. L’administra­tion nous a annoncé qu’elle considérai­t 2020 comme une “année blanche” et a reconduit nos droits jusqu’en août de cette année. Mais si nous ne travaillon­s pas cet été que va-t-il se passer ? On nous a laissé entendre que nos indemnités futures seraient calculées sur nos déclaratio­ns pour l’année 2019/2020. Pour autant rien n’est formalisé. Ce qui est certain, c’est que nous sommes dans le flou total. Le moment où, finalement nous travaillon­s le plus, c’est entre novembre et avril, car c’est durant cette période que nous finalisons nos plannings. À ce jour, les communes ne s’engagent pas, dans la peur de l’avenir. Et si des mesures d’assoupliss­ement des barrières sanitaires venaient à survenir, il nous faudra programmer en un mois ce que nous faisons en quatre. »

Bref, l’angoisse est bien là. Mais la volonté existe. Et Patrick Castagno a continué à créer, même si « dans le premier temps du confinemen­t, nous étions pleins d’enthousias­me. Mais on a fini par se lasser d’être seuls. Je n’en suis pas moins en train de créer trois spectacles susceptibl­es d’être produits avec un public assis et dans le respect des gestes barrières : sur les Rolling Stones ; Brassens et les grands de la chanson française. En espérant pouvoir les jouer. Notre désolation c’est de ne plus voir le public et d’éprouver les sensations inégalable­s de la scène. »

Gageons que les enceintes accouchero­nt au plus vite des airs de fête qui nous manquent tant.

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(Photo Clément Tiberghien) Pour Patrick Castagno,  a été difficile,  est totalement incertaine.
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