Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« J’ai tout laissé en Algérie »
« J’avais 15 ans et demi quand je me suis engagé dans l’armée française. C’était en 1959, raconte Smaïl Entamene. C’était mon choix. J’étais encore en Algérie le 19 mars 1962. J’ai vu tout ce qu’il s’est passé ensuite : des gens torturés, massacrés… Ce n’était pas facile. J’avais peur qu’on m’attrape moi aussi. » Rapidement, le soldat supplétif réussit à se faire rapatrier en France. C’est seul qu’il quitte l’Algérie.
Il va d’abord à Grenoble, puis rejoint Rivesaltes. Là-bas, un camp de transit a accueilli des milliers de harkis. « On s’attendait au moins à être installés quelque part une fois arrivés en France. Mais c’est la misère qui nous a accueillis. On logeait dans des baraquements, on dormait par terre, sur des paillasses. »
« J’ai dû quitter ma mère et mes frères »
Avec de tels souvenirs, difficile pour le Brignolais de comprendre que l’on célèbre la date du 19 mars chaque année. «Ce n’est pas un anniversaire de victoire, c’est le début d’un grand malheur. On est partis et on a tout laissé, les terres, la famille. J’ai dû quitter ma mère et mes frères. »
Smaïl Entamene n’est jamais retourné sur sa terre natale. «En 1962, l’Algérie, c’était fini pour moi. Je ne peux pas y aller, ce serait dangereux, j’aurais des problèmes à la douane Et même si la circulation devient plus simple, c’est trop tard pour moi là-bas. J’ai tout coupé. »
Après ces dizaines d’années d’exil, le septuagénaire peine à dissimuler sa rancoeur contre l’État français. « J’avais 15 ans et demi ! J’ai passé toute ma jeunesse dans l’armée sans aucune reconnaissance. Je n’ai jamais eu un remerciement. Pourtant, nous sommes français. Nous sommes des soldats. J’ai tout laissé làbas. »
‘‘ Le mars, ce n’est pas un anniversaire de victoire. C’est le début d’un grand malheur.”