L’évangile vaccinal selon Gros Léon

Autrefois, quand il voulait vider son sac, Gros Léon descendait au bistrot du coin. Devant un ballon de rouge ou un petit verre de blanc, il trouvait toujours une oreille complaisante pour éponger ses rancoeurs. Sa cible ? Tout le monde. Ses voisins. Sa concierge. La société. Et « la bande de crétins qui nous gouvernent ».

Aujourd’hui, Gros Léon n’a même plus besoin d’ôter son peignoir. Il laisse sa bedaine déborder sur son calcif et déverse son fiel sur les réseaux sociaux. Moins convivial, mais plus efficace. Ce qui le fait bondir, depuis quelques mois, c’est la vaccination contre la Covid-19. « On ne me mettra jamais cette merde dans le corps, vocifère-t-il sur son clavier. Tout ça, c’est pour engraisser Big Pharma avec nos sous ! On veut nous empoisonner ! » Gros Léon a lu toutes les études qui n’ont jamais été publiées. Il en sait plus que les professeurs de médecine. Inutile de lui rappeler que la vaccination a permis d’éradiquer la variole, de faire baisser de façon spectaculaire la mortalité due à la diphtérie, au tétanos, à la coqueluche, à la tuberculose, à la rougeole… Derrière son écran, Gros Léon éructe : « Ouais mais bon, là, on parle de l’ARN messager ! On bidouille nos gènes !

Et pis, on n’a pas encore assez de recul… »

En effet : 1,914 milliard de vaccinés dans le monde, c’est un peu juste pour établir des statistiques fiables. Ce qui est bien, avec tous les Gros Léon, c’est qu’il est inutile d’argumenter avec eux. Ils sont convaincus par leurs certitudes. Lorsque la vérité braque son projecteur au hasard dans notre système solaire, la lumière tombe pile sur leur front. Eux, ils savent.

Eux, ils ne sont pas dupes. Eux, ils ont raison contre les quatre millions de personnes qui sont mortes étouffées chez elles, ou à l’hôpital, devant des soignants aussi épuisés qu’impuissants, sans pouvoir dire adieu à leurs proches.

C’est ainsi : même à faible dose, la logorrhée des Gros Léon ne vaccine jamais totalement contre la bêtise.

« Ce qui est bien, c’est qu’il est inutile d’argumenter avec eux. Ils sont convaincus par leurs certitudes. »