Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Embuscade, les doutes de la zététique
« Entrer en communication avec l’au-delà est dangereux, alerte EricJacques de Mollet. Il y a des protections à mettre en place. » Car un esprit maléfique peut toujours répondre. Parmi ces rituels : faire brûler de la sauge blanche, des bougies noires et surtout pas blanches, de l’encens Palo Santo ou garder près de soi certaines pierres comme la shiva noire. « C’est la pierre universelle la plus puissante, pour entrer en contact avec les esprits. Mais il faut y associer d’autres pierres. » Eric-Jacques de Mollet est intarissable. « Pas besoin de pendule, explique-t-il, c’est une aide, pas un moyen de communiquer. » L’occultisme n’a pas de limites. Lui, dit qu’il n’a besoin de rien pour « parler » avec les esprits.
Des messages à la radio
Ce n’est pas le cas de Sweety et Thierry Coste à La Seyne.
La perte de deux fils dans des accidents en 1996 et 2011, a amené ce couple à chercher des preuves de leur « survie » dans l’au-delà. C’est par l’intermédiaire d’une radio étrangère qu’ils ont reçu les premiers messages de Jérémy et de Christophe. C’est ce qu’on appelle la transcommunication instrumentale (TCI).
Depuis, ils font cela pour aider d’autres parents en souffrance, bénévolement – à moins que les gens ne leur versent la somme qu’ils veulent pour acheter leur matériel.
Vanessa (1), une de mes collègues de travail, a bien voulu se prêter à l’expérience, après avoir fait brûler une bougie pendant trois jours, pour « appeler » le défunt et se protéger de toute intrusion maléfique. Le jour venu, Thierry et Sweety invitent Vanessa à poser sa question, tout en faisant résonner dans la pièce, la station de radio anglaise, choisie au hasard.
Intimidée mais sans se démonter, elle demande à un ami décédé s’il a un message pour elle. On est tous silencieux tandis que les British font débat à tue-tête, que Thierry enregistre, que Sweety se dit « pourvu qu’il réponde », que Vanessa se concentre sur les ondes sonores, qui dessinent des pointes à l’écran. Elle n’attend rien de la TCI mais vit à fond cet instant de spiritisme intriguant. Il y aura ainsi trois enregistrements d’une minute chacun.
Le moment crucial arrive. Les bandes sont écoutées attentivement : rien. Pas grave, on va écouter dans l’autre sens, annonce Thierry. Et là, dans le charabia des voix qui passent à contresens, surgissent des mots en français plus ou moins intelligibles : « Là-haut on s’aime », « Pape François », « En bas c’est une honte...» Pour Vanessa ils ont un sens, car cet ami était au coeur de l’Église. De plus, les enregistrements ont eu lieu le jour de la visite du Premier ministre Jean Castex au pape François. « Et si cela avait un lien avec l’actualité du moment et le rapport Sauvé ? », s’interroge le groupe.
Après tout Vanessa travaille dans l’univers de la presse. Mystère ! Il n’y aura jamais de réponse à cela. Comment ne pas douter du hasard des sons ? De nombreuses personnes endeuillées font cependant confiance à Thierry et Sweety, qui veulent les aider à surmonter les drames. Leur chaîne YouTube et un compte Facebook apportent les témoignages de gens qui ont testé la TCI.
« On a eu trop de preuves pour ne pas y croire », dit Thierry.
Cela ne suffira pas à convaincre Henri Broch, physicien, aujourd’hui, professeur émérite à l’université Côte d’Azur, et directeur du laboratoire de zététique. Justement la zététique c’est l’art du doute. En 1987, il lance, entre autres avec le magicien Gérard Majax, un prix défi international qui, au fil du temps, grimpera à 200 000 euros. « Toute personne qui aurait pu prouver un phénomène paranormal quel qu’il soit et que nous n’aurions pas pu expliquer pouvait encaisser le chèque : tables qui tournent, transcommunication instrumentale, spiritisme, psychokinésie, voyance, télépathie… »
candidats pour prouver le paranormal
264 candidats se sont présentés, aucun n’est parti avec le chèque. Ils ont échoué. « Cela ne veut pas dire que le don n’existe pas, mais que les personnes qui sont venues nous faire la démonstration de pouvoirs dits paranormaux n’en avaient pas. On n’a pas testé toute la planète. » Quant à la communication avec les morts, il explique avoir été contacté par deux personnes des Alpes-Maritimes, soi-disant d’accord pour faire des expériences. « Mais dès que l’on a défini un peu le protocole, pourtant très simple, les médiums ont abandonné. Ces personnes revendiquaient beaucoup
Entrer en communication avec l’au-delà est dangereux ”
Un déferlement de croyances loufoques ”
de choses mais n’ont pas cherché à prouver leurs soi-disant dons. »
Aline est présidente du Centre contre les manipulations mentales Grand Paca (CCMM) à Nice. «On assiste à un déferlement de croyances complètement loufoques. » Elle l’explique
« par la vie difficile, les problèmes professionnels, affectifs, financiers. À un moment de la vie, on est tous vulnérables et on rencontre parfois la mauvaise personne au mauvais moment... Et puis certains sont en recherche de spiritualité, d’humanité. Les recruteurs ciblent le point de vulnérabilité. Aujourd’hui avec les
fake news et les réseaux sociaux, c’est l’horreur. La fin du monde, l’apocalypse, ça marche très fort ».
Son souci du moment, «cesontles énergéticiens, les groupes ou communautés comme les écolos dangereux, les survivalistes, les gourous et gourelles ».
Le centre, partenaire de la Miviludes – la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – n’a pas d’appels en ce moment concernant les médiums. « C’est parce qu’on se rend vite compte que c’est une arnaque », dit-elle. Ne jamais laisser beaucoup d’argent, c’est se protéger des fantômes mais aussi des vivants malveillants, qui savent envoûter leurs clients.
1. Les prénoms ont été modifiés.