Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Un bruit sourd en moi pour toujours »

Questions à... Bruno Valencony, gardien de Bastia le soir de la tragédie

-

Tous les amateurs de football connaissen­t Bruno Valencony. Normal : il a été l’ange-gardien de SC Bastia (1989-1996), puis le héros de l’OGC Nice (1996-2005). Aujourd’hui, il se partage entre Bastia, Clermont et Annecy. Entre son métier d’entraîneur, sa maman et ses filles. Le 5 mai 1992, il était au coeur du drame de Furiani. Un coeur brisé.

Le premier souvenir qui remonte à la surface lorsqu’on évoque ce drame ?

Le bruit. Celui de la tribune qui s’effondre. Un bruit sourd qui est en moi pour toujours. Puis le silence. Un silence impression­nant. Un silence de mort. Et enfin les cris. Des cris de peur, de douleur. Des sons qui ne m’ont jamais quitté.

Et les images ?

Terribles. Au moment du drame, j’étais en train de m’échauffer. Quand je me tourne, je vois la tribune qui a diminué de moitié. Sur le coup, c’est l’incompréhe­nsion. Mais où est le morceau qui manque ?

On sait que les joueurs de Bastia se sont précipités pour retirer le grillage qui séparait le public du terrain...

On a eu peur que les gens soient pris au piège des grilles et s’étouffent ou se piétinent.

Certains étaient déjà violets. Nos femmes, nos familles étaient placées à cet endroit. C’était l’angoisse totale. En une seconde, la fête avait tourné au désastre.

À cet instant, vous passez de joueur à sauveteur.

On fonce au centre de formation, qui jouxtait le stade, pour récupérer des couverture­s et des bouteilles d’eau. On tente d’aider. On tient des mains. On parle à ceux qui sont sur le point de s’évanouir. Sous le choc, blessé, un homme me dit : « Mais qu’est-ce que vous attendez pour commencer le match ? ». C’était le chaos.

Vous prenez vite conscience de la gravité de la situation ? Très vite. Il y a des corps sans vie, des gens qui ne peuvent plus bouger. Il y a du sang partout. Des morceaux de chair sur de la ferraille. Ce que je vois est traumatisa­nt. On pensait jouer le match de notre vie, on se retrouve encerclé par la mort.

En Corse, tout le monde disait que cette tribune était maudite...

On l’a vu se dresser en 10 jours. Elle était impression­nante et effrayante. On sentait que ce n’était pas du solide. Pas besoin d’être un expert pour se poser des questions. Mais de là à penser qu’elle allait s’effondrer...

Les jours d’après ? Cauchemard­esques. J’étais si mal que je me sentais coupable. En quart de finale, j’avais été l’artisan de la qualificat­ion contre Nancy en stoppant trois penaltys sur trois lors de la séance de tirs au but. Je me suis longtemps dit que si je n’avais pas fait ces arrêts, il n’y aurait pas eu de demi-finale, donc pas de drame de Furiani.

 ?? ?? Bruno Valencony, le soir du drame avant le match.
Bruno Valencony, le soir du drame avant le match.

Newspapers in French

Newspapers from France