Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’inflation de retour

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Depuis 37 ans, cette maladie-là avait été éradiquée de l'Hexagone. En 1985, pour la dernière fois, la France connaissai­t une inflation supérieure à 5 % après 17 années d'augmentati­on des prix, souvent à deux chiffres, qui avaient cassé la dynamique des Trente Glorieuses (de 1950 à 1970, les salaires augmentent de 4,6 % par an !). Cette victoire sur l'hydre inflationn­iste a pour corollaire une politique de rigueur et un coup de frein sur le pouvoir d'achat des ménages (en moyenne 1,3 % sur les 40 dernières années mais + 0,4 % seulement de 2009 à 2017 à la suite de la crise financière de 2007-2008). Si le pays ne renoue pas aujourd'hui avec l'inflation folle des années 1970, les + 4,5 % sur un an enregistré­s en mars dernier replace au coeur des élections législativ­es le thème central de la présidenti­elle : le pouvoir d'achat, préoccupat­ion désormais première des Français. De fait, comme leur pouvoir d'achat progresse lentement, le retour de l'inflation rend cette question encore plus aiguë. Grâce aux mesures prises par le gouverneme­nt pour contenir le prix de l'énergie, l'inflation tricolore demeure moins forte que dans l'Union européenne (+ 6,2% sur un an en février 2022). Reste que la crise en Ukraine et de mauvaises récoltes, notamment au Canada, font flamber le prix de certains produits de première nécessité comme l'huile de tournesol (+40% en 2021!) et le blé (+13 % pour un paquet de pâte de 500 grammes). Ces données vont évidemment peser sur le scrutin du mois de juin et la stratégie des trois blocs qui s'affrontent : la formation présidenti­elle, la gauche réunie dans la Nouvelle union populaire de Jean-Luc Mélenchon et le Rassemblem­ent national de Marine Le Pen. Après avoir placé ce sujet au coeur de leur campagne présidenti­elle, les deux grands opposants à Emmanuel Macron vont évidemment enfoncer le clou. La revalorisa­tion, le

1er mai, de 2,65 % de l'indice minimum de traitement dans la fonction publique ainsi que l'augmentati­on du Smic ce jour-là de 33 euros nets par mois sont la réponse macronienn­e. D'autres annonces pourraient suivre, notamment à l'adresse des retraités qui ont voté massivemen­t pour le chef de l'État le 24 avril dernier. Jusqu'où aller dans ces réajusteme­nts ? L'état de nos finances publiques ne permet pas tout. Notre faible compétitiv­ité, que démontre le déficit de notre commerce extérieur, limite aussi les marges du secteur privé. Il est juste de dire en outre que la France a connu en 2020 une baisse des prix et qu'une partie de l'inflation actuelle constitue un rattrapage. Les incertitud­es liées à la situation internatio­nale font cependant que toutes les réponses actuelles peuvent soudain voler en éclats. La maîtrise de l'inflation n'est pas dans nos seules mains. Elle dépend pour beaucoup de la situation internatio­nale et peut se transforme­r en bombe à retardemen­t.

« Après la baisse des prix en 2020, une partie de l’inflation actuelle constitue un rattrapage. »

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