Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Saint-Tropez : le vendeur auto dérape avec la loi
Le gérant d’une société de dépôt-vente de véhicules de luxe louait sans autorisation les voitures dont il avait la garde. Une infraction parmi bien d’autres...
Nuque tondue au millimètre, mèche délicatement gélifiée, diamant tatoué derrière l’oreille gauche… Au premier coup d’oeil, Alvin B. aurait toute sa place pour figurer au casting du prochain opus de Fast and Furious. Au second, aussi d’ailleurs. Dans le rôle de l’escroc.
Pris par la patrouille, le jeune gérant de la SARL Prestige Cars, basée à Saint-Tropez et spécialisée dans le dépôt-vente de véhicules de luxe, comparaît devant le tribunal correctionnel de Draguignan pour une ribambelle d’infractions : abus de biens sociaux, blanchiment, recel de faux en écriture, abus de confiance, travail dissimulé, mise en circulation de véhicule muni de plaque inexacte, pratique commerciale trompeuse… Alvin B. aime les grosses voitures. Beaucoup moins le droit des affaires. « J’essaye de faire de mon mieux, a-t-il expliqué aux gendarmes. Je suis plein de bonne volonté ! »
Écart de 1 200 kilomètres au compteur
Cette phrase fait sursauter Christophe T., assis sur le banc des parties civiles. Début 2021, il avait laissé son Audi Q3 en dépôt-vente chez Prestige Cars, espérant en tirer un bon prix. Mais tique quand on lui demande de laisser son véhicule 15 jours à l’essai à un acheteur potentiel. Puis s’inquiète véritablement quand il reçoit deux amendes, de stationnement et pour excès de vitesse. « Alvin B. a reconnu que mon véhicule avait roulé, se souvient la victime, qui avait constaté un écart de 1 200 kilomètres au compteur. Il m’a dit que c’était son chauffeur, puis son ex-petite amie. » En réalité, il s’agissait d’un groupe d’amis – « défavorablement connus des forces de l’ordre » précise la procureure Mathilde Gauvain – qui avaient loué l’Audi auprès d’Alvin en toute illégalité. « Vous imaginez si cette voiture avait causé un accident mortel ou si elle avait servi pour un gofast, s’émeut Me Cédric Freydier, avocat de Christophe T.. C’est mon client qu’on serait venu chercher ! »
Un faux rédigé devant les gendarmes
Doutant de la légalité des affaires menés par le gérant, les gendarmes se plongent dans les comptes de la société. Et mettent au jour plusieurs manquements à la législation et quelques infractions. Comme ces « trous » dans le livre de police, des recettes de la société virées sur son compte courant mais aussi de fausses cartes grises – « c’est compliqué d’en obtenir pour certains véhicules achetés à l’étranger…» – réalisée par un « ami marseillais » et pour lesquelles Alvin touchait une commission. Dans l’oeil du cyclone, le prévenu panique et cède sans contrepartie à sa mère une Ferrari et une Lamborghini appartenant (légalement, elles) à la société, saisies depuis par la justice. « C’est mon avocat de l’époque qui m’avait conseillé de faire cela » se défend l’intéressé. « Vous avez une drôle d’approche du monde des affaires » relève le président Nicolas Ernst. Qui note au passage que le prévenu ne déclare aucun revenu aux impôts, tout comme Prestige Cars. Un redressement de 65 000 euros (hors frais de pénalités) a déjà été notifié à la société. Mais alors qu’il sait être sous les projecteurs, rebelote quelques mois plus tard. Cette fois, c’est une Audi A8 Spyder qui est découverte accidentée et abandonnée (!) le 4 août 2021. La plaque d’immatriculation luxembourgeoise se révèle fausse. Le véhicule vient en réalité de Pologne. Sur la carrosserie, un sticker au nom de la société… Prestige Cars aiguille les gendarmes vers Alvin B.. Ce dernier reconnaît avoir loué le véhicule sans contrat. Puis, sous les yeux éberlués des enquêteurs, rédige un faux antidaté !
« C’est un abruti »
« C’est un abruti, plaide son avocat, Me Arnaud Lucien. Ila25ans!Ilfait de son mieux, mais il n’est pas bon. Cela n’empêche pas que, s’il reconnaît ses torts, certaines infractions ne sont pas caractérisées. Les enquêteurs n’ont même pas pris la peine d’éplucher le livre-journal. Et on ose l’accuser de blanchiment ? D’abus de biens sociaux ? Ce dossier, c’est un mouton à cinq pattes sans orthodoxie juridique!» Pas de quoi ébranler le parquet, qui requiert à l’encontre d’Alvin B. douze mois de sursis probatoire, une interdiction de gérer une société pendant cinq ans ainsi que d’exercer une activité de vente de véhicule. La décision a été mise en délibéré au 7 juin.