Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
22 tonnes de sucre et de coke : l’enquête part de Nice
Une société niçoise fictive réclamait des aides de l’État pendant la pandémie. Les investigations ont débouché sur une spectaculaire importation de cocaïne mélangée à du sucre.
On dit que le sucre est une drogue… Un cartel colombien le confirme en ayant exporté 22 tonnes de saccharose mélangées à de la cocaïne. La cargaison a été repérée au port du Havre par l’Office antistupéfiants (OFAST) puis interceptée à Thiais (Val-de-Marne) où deux suspects devaient la réceptionner. Dans cette affaire rocambolesque aux ramifications internationales, tout est parti d’une fraude au chômage partiel d’une société domiciliée à Nice.
Un réseau criminel international
L’entreprise sans le moindre salarié, oublieuse de ses cotisations d’Urssaf, n’en a pas moins sollicité, en pleine pandémie, une aide de l’État pour 42 salariés fantômes. Elle aurait indûment obtenu 120 000 euros. Le ministère du Travail tire le signal d’alarme.
Au fur et à mesure de leurs investigations, l’antenne des douanes judiciaires de Nice découvre que l’entreprise apparaît liée à plusieurs autres sociétés du même type. Les gérants ont des identités usurpées et les entreprises, des coquilles vides, importent des matières premières de pays exotiques tout en procédant à d’importants transferts de fonds. « L’escroquerie aux primes Covid est une escroquerie d’opportunité qui permettait de financer une activité de logistique et de transport de marchandises de contrebande », indique une source proche du dossier.
La Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité (Junalco) du parquet de Paris flaire une affaire hors normes et reprend l’enquête ouverte à Nice tout en demandant à l’Office antistupéfiants, à la police judiciaire de Nice et aux douanes de poursuivre les investigations.
Entre-temps, un renseignement de l’agence fédérale américaine de lutte contre la drogue (la DEA) les conforte : les enquêteurs sont sur la piste d’un réseau criminel international très sophistiqué où escrocs de haut vol et trafiquants de drogue sont associés. La brigade de recherche et d’investigation de Nice (BRI) se concentre sur quatre Azuréens qu’elle surveille 24 heures sur 24 pendant des mois.
Cinq Azuréens arrêtés
Pendant ce temps, 600 kg de cocaïne sont saisis dans un port colombien puis 12 tonnes de tabac de contrebande en Belgique. L’arrivée au Havre d’un cargo en provenance de Colombie donne le top départ, le 5 mai, d’un coup de filet en France, en Espagne et aux Emirats Arabes Unis avec, à la manoeuvre, trois juges d’instruction parisiens.
Dans les Alpes-Maritimes et à Marseille, quatre personnes sont interpellées par la brigade des stups niçoise. L’un de leurs complices, un Cannois qui s’était déjà illustré dans l’escroquerie à la taxe carbone, est arrêté à Dubaï.
Dix autres suspects sont appréhendés. Difficile de déterminer, pour l’instant, la quantité de cocaïne mélangée à la cargaison de sucre. Selon les premières estimations, c’est entre 300 et 800 kg que des chimistes de l’organisation criminelle devaient extraire de 900 sacs de sucre.