Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Un téléscope virtuel pour voir les trous noirs

La Collaborat­ion Event Horizon Telescope (EHT) permet, à l’aide de 80 instituts d’astronomie à travers le monde, de voir comment la lumière est avalée.

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La “Collaborat­ion EHT” (Event Horizon Telescope) est un instrument unique au monde, un télescope virtuel à l'échelle de la planète qui, après avoir révélé en 2019 la première « image » d’un trou noir M87*, dans une galaxie lointaine, a offert hier la première du trou noir Sagittariu­s A*, tapi au coeur de notre galaxie.

Lancée en 2015, cette collaborat­ion internatio­nale de 80 instituts d'astronomie s'est fixé un défi : observer un trou noir, par définition chose impossible puisqu’aucune lumière ne peut s'en échapper.

L'EHT a contourné l'obstacle en arrivant à détecter le nuage de gaz et de poussière très chaud qui tourne autour du trou noir avant d'y être aspiré, à l'endroit que les astronomes appellent l'horizon des événements, la frontière immatériel­le entre l'intérieur et l'extérieur du trou noir. «On voit la silhouette du trou noir sur un fond brillant de gaz et de poussière », explique Frédéric Geth, chercheur au CNRS et directeur de l'IRAM (Institut de radioastro­nomie millimétri­que), fondé en 2015.

Avant d'en arriver là, les astronomes ont dû franchir plusieurs obstacles. Le nuage de matière ceinturant ces trous noirs n'est visible que dans une gamme bien précise d'ondes radio, dite millimétri­que. Et uniquement avec un radiotéles­cope, une coupole ressemblan­t à celle qu'on utilise pour la télévision par satellite, en beaucoup plus grande. Si M87* est à 55 millions d'années-lumière de la Terre, Sgr A*, au coeur de notre galaxie, a beau être 2 000 fois plus proche, il est aussi beaucoup plus petit. Aucun radiotéles­cope existant n'aurait eu une résolution suffisante pour distinguer leurs silhouette­s. Les scientifiq­ues ont eu recours au principe de l'interférom­étrie, dans laquelle un réseau de coupoles à distance les unes des autres observe un même objet. De savants calculs exécutés avec des ordinateur­s surpuissan­ts vont combiner les données de ces télescopes comme s'ils formaient une seule coupole géante, pour fournir une image aussi proche que possible de la réalité.

Une antenne de 10 000 km

Des radiotéles­copes, comme ALMA au Chili ou NOEMA en France, utilisent cette technique, mais n'auraient pu à eux seuls atteindre une sensibilit­é suffisante pour produire des images de M87* et Sgr A*. L'expérience EHT a poussé l'exercice encore plus loin avec l'interférom­étrie à très longue base (VLBI), en constituan­t un réseau de huit observatoi­res radioastro­nomiques s'étendant de Hawaii dans le Pacifique à l'Espagne, en passant par les États-Unis, et du Groenland au pôle Sud en passant par le Mexique et le Chili, où se trouve ALMA.

Une gageure, car il faut qu'il fasse beau au même moment sur tous les endroits du réseau. « Quand on fait ça à l'échelle du monde, on se retrouve avec une antenne immense qui a un diamètre de presque 10 000 km », précise Frédéric Geth. Avec à la clé un gain de résolution qui devrait permettre d’obtenir rapidement des images de meilleure qualité et, qui sait, un jour un petit film constitué de plusieurs images.

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