Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« En piste, il y a du boulot »

Ce week-end, le pilote suisse Jean-Denis Delétraz tente d’apprivoise­r la Shadow DN3 avec laquelle Jean-Pierre Jarier s’était invité sur le podium princier en 1974. Un challenge haletant...

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Hier, lors de la chasse à la pole de la très relevée série E, celle des Formule 1 des saisons 73 à 76, il visait la première moitié du classement. « Septième, sixième, voire un top , si affinités... » En fin de compte, Jean-Denis Delétraz s’élancera du 9e rang. Et maintenant ? « La course ? Ici, tout est possible », lâche le Genevois (58 ans) passé par la case F1 de manière furtive en 1994 et 1995 (3 Grands Prix). Seule certitude : sa Shadow DN3 connaît le chemin du podium monégasque puisqu’elle s’était classée 3e de l’édition 74 aux mains d’un certain Jean-Pierre Jarier, le pilote à la godasse de plomb venu la veille saluer son successeur dans le paddock délicieuse­ment rétro ancré quai Antoine-Ier.

Jean-Denis, vous avez découvert le circuit de Monaco sur le tard. Le Grand Prix Historique vous a-t-il permis de réaliser un rêve, en quelque sorte ?

Oui, absolument !

Jeune pilote, je n’ai jamais eu l’opportunit­é de disputer une course ici, ni en monoplace, ni dans une autre catégorie. L’occasion s’est enfin présentée quand j’ai commencé à rouler en F1 vintage. Flirter avec la limite sur ce tracé mythique au volant de telles autos anciennes, je trouve ça assez cool, plus rigolo.

Plus difficile, aussi. En piste, il y a du boulot avec la boîte de vitesses. On n’a pas le temps de ronger son frein, croyez-moi !

Monaco, c’est un frisson àpart?

C’est différent dans la mesure où vous n’avez pas le droit à l’erreur. Entre les rails, il faut redoubler de vigilance. Être super fin. Précision extrême de rigueur. Regardez, les roues arrière sont tellement plus larges que les roues avant. Ce paramètre, on doit le garder constammen­t à l’esprit. Parce que le moindre écart se paie cash. Mieux vaut éviter d’avoir le compas dans l’oeil !

Après avoir cravaché dans les rues de Monaco une Surtees ex-Alan Jones, une Hesketh ex-James Hunt et une ATS, entre autres, vous voilà engagé à bord de cette Shadow DN3 qui croise ainsi la route de son ancien pilote. Jean-Pierre Jarier était au courant de votre participat­ion ?

Oui, Jean-Pierre, je le connais depuis très longtemps. Nos trajectoir­es se sont croisées notamment à l’aube des années 2000, en GT, lorsque je pilotais une Ferrari du team Prodrive et lui une Porsche. Sachant qu’il habite à côté,

je lui ai passé un coup de fil en début de semaine. Et il est venu nous faire un clin d’oeil, très gentiment.

Que vous a-t-il dit ?

On a parlé du bon vieux temps. Et notamment de ce Grand Prix de Monaco 1974 où il se bat pour la victoire. À l’époque, les combinaiso­ns étaient plus larges, plus amples. JeanPierre occupe la 2e place derrière la Ferrari de Niki Lauda qui abandonner­a un peu plus tard. Hélas pour lui, en braquant à gauche dans l’épingle du Loews, sa manche accroche le coupecircu­it. Moteur éteint ! S’il réussit à redémarrer en prenant de l’élan dans la descente, sa mésaventur­e fait le bonheur de la Lotus de Ronnie Peterson et de la Tyrrell de Jody Scheckter qui le doublent et terminent devant. Cette Shadow aurait pu gagner le Grand Prix de Monaco ! Sacrée anecdote.

Vous courez toujours en moderne ?

Très rarement. En 2021, j’ai fait « Road to Le Mans »

(la manche de la Michelin Le Mans Cup disputée en lever de rideau des 24 Heures, ndlr) sur une Audi R8, avec le jeune pilote belge Charles Weerts. Je ne m’attendais pas à refaire un bout de chemin sur ce fabuleux circuit huit ans après ma dernière participat­ion aux 24 Heures du Mans. Belle surprise, d’autant qu’on finit sur le podium GT3.

Vous avez disputé trois Grands Prix de F1. Si on vous demande de résumer cette expérience en trois mots...

Folie, d’abord. Parce que j’ai été fou d’accepter de découvrir le top niveau dans des écuries à bout de souffle financière­ment

(une course chez Larrousse en 1994, deux chez Pacific en 1995). Et sans aucun test préparatoi­re, a fortiori. Rêve, ensuite. Car ce fut l’occasion de côtoyer en piste des « pointures » hors normes, Schumacher, Mansell, Häkkinen, Coulthard... Chance, enfin. Ce passage en F1 m’a ouvert de nombreuses portes. Celles des 24 Heures du Mans, et d’autres. De quoi prolonger ma carrière durant une vingtaine d’années.

Le mois dernier, on a vu votre fils Louis gagner les 4 Heures du Castellet ELMS. Il a bien fait de tirer un trait sur ses espoirs de F1 pour entamer une carrière en endurance ?

De toute façon, il n’y avait pas le choix. Pour avoir une petite chance de percer en F1 aujourd’hui si votre père n’est pas milliardai­re, vous devez faire partie de la filière Red Bull ou Mercedes. Quand on voit qu’Alpine n’est même pas capable de donner un volant à Oscar Piastri (le jeune prodige australien champion FIA F3 en 2020 et FIA F2 l’an dernier)... En Endurance, Louis évolue dans des écuries de pointe. Plusieurs constructe­urs vont arriver avec les moyens de leurs ambitions. Il a une grosse carte à jouer. Donc c’est la bonne option, sans conteste.

LES COURSES

8h: voitures de Grand Prix à moteur arrière de 1500 cc, F1 de 1961 à 1965 etF2; 9h05 : voitures de Grand Prix d’avant-guerre et voiturette­s ; 10h10 :

voitures de Grand Prix à moteur avant, construite­s avant 1961 ; 11h15 :

voitures de Grand Prix F1 3 litres de 1966 à 1972 ; 12h25 : voitures de Grand Prix F1 3 litres de 1973 à 1976 ; 14h30 : voitures de Sport à moteur avant de 1952 à 1957 ; 15h35 :

voitures de Grand Prix F1 3 litres de 1977 à 1980 ; 16h55 : voitures de Grand Prix F1 3 litres de 1981 à 1985. Billetteri­e : 44, rue Grimaldi à Monaco (+377.93.15.26.24)

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Le moindre écart se paie cash ”

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 ?? (Photos Cyril Dodergny) ?? Autour du port de Monaco, JeanDenis Delétraz cravache pour la première fois cette Shadow DN3 battant pavillon américain... sous les yeux d’un spectateur qui la connaît bien : Jean-Pierre Jarier.
(Photos Cyril Dodergny) Autour du port de Monaco, JeanDenis Delétraz cravache pour la première fois cette Shadow DN3 battant pavillon américain... sous les yeux d’un spectateur qui la connaît bien : Jean-Pierre Jarier.
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