Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Au coeur d’une opération de contrôle à Nice

- GRÉGORY LECLERC

L’aréopage de policiers, de journalist­es, d’officiels circule au milieu de la cité des Moulins en ce jeudi soir de l’après mi-août. Un « Allez vous faire foutre » fuse d’un étage d’une tour. Notre présence n’est pas la bienvenue. C’est un doux euphémisme. Deux jeunes, contrôlés, ne goûtent guère la présence des caméras et insultent une journalist­e. La police nationale menait une opération de lutte contre les rodéos urbains.

Darmanin veut 10 000 contrôles en août

« L’idée c’est de mettre un coup de pression. Ce phénomène inquiète. Il s’agit d’assurer de la visibilité et surtout de rassurer la population », souligne Guillaume Cardy, directeur départemen­tal adjoint de la sécurité publique des Alpes-Maritimes.

Après un grave accident à Pontoise, le 5 août, – deux enfants blessés – le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait réclamé des mesures renforcées. Il a même fixé un objectif : 10 000 contrôles en août. Une politique du chiffre ? En convoquant la presse, la Direction départemen­tale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes voulait à l’évidence montrer qu’elle répondait aux attentes. Guillaume Cardy le reconnaît pourtant, le départemen­t des AlpesMarit­imes, par rapport à d’autres, « est assez peu touché par le phénomène ».

« Ça ne changera rien »

Rien que la semaine dernière à Nice, 49 opérations ont pourtant été menées sur cette thématique. 395 procès-verbaux ont été dressés.

Défauts d’assurance, pots trafiqués, conduites dangereuse­s : tout y passe. «Ils peuvent faire ce qu’ils veulent, ça ne changera absolument rien », soupire Fatima (1), qui habite dans le quartier depuis 32 ans. Elle revient avec des sacs de course.

Sur le chemin de retour de ses commission­s, elle vient de tomber sur la CRS 29, sur trois équipages de la Brigade de sécurisati­on de terrain, des hommes de la Brigade anticrimin­alité et des motards de la police. Ils ont investi la largeur de l’avenue de la Méditerran­ée. Pile à la croisée des immeubles neufs du programme de rénovation urbaine et des bâtiments décatis où se joue l’essentiel du trafic de stups.

« Ça sert à quoi ces contrôles ? »

Entre modernisme et décrépitud­e. Entre carcasses de scooters désossés et terrain de jeux où des gamins tapent la balle sans un regard pour la police.

Vaguement dérangés, mais sans plus, quelques guetteurs quittent mollement leur transat installé au coin d’un bâtiment délabré. Ils ont compris qu’ils n’étaient pas la cible de l’opération du jour. Le trafic reprend immédiatem­ent après le passage du cortège. Peutêtre tomberont-ils prochainem­ent dans les filets de l’Unité des stupéfiant­s et de l’économie souterrain­e qui multiplie les opérations. À deux pas d’ici, le 6 août dernier, un gamin de 20 ans a été abattu de huit balles. Le second règlement de comptes de l’année.

Dans le cadre de la lutte contre les rodéos urbains, selon le ministre de l’Intérieur, 2 200 personnes ont été interpellé­es et 1 800 scooters et motos ont été saisis depuis le début de l’année en France. Au total, 16 000 opérations de police ont été menées depuis janvier 2022.

« Les jeunes, ils font ce qu’ils veulent avec leurs motos. Ça sert à quoi ces contrôles ? Moi ils m’ont cassé la porte de mon immeuble pour faire leurs trafics. J’en peux plus, j’ai envie de quitter le quartier », soupire Fatima, défaitiste, continuant sa route.

1 : À sa demande, son prénom a été modifié

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(Photo Patrice Lapoirie) La police nationale menait ce jeudi soir une opération médiatisée de lutte contre les rodéos urbains.

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