Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Interdire les touristes russes ? L’appel de Kiev divise les Européens

L’Ukraine souhaite que les Occidentau­x ferment totalement leurs frontières aux Russes. Une mesure qui réactive des lignes de fracture entre les pays situés les plus à l’est et les autres.

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Bannir les touristes russes pour punir Moscou de la guerre en Ukraine : c’est la mesure radicale réclamée par Kiev. « Les Russes soutiennen­t massivemen­t la guerre, applaudiss­ent les frappes de missiles sur les villes ukrainienn­es et les meurtres d’Ukrainiens. Laissons donc les touristes russes profiter de la Russie », a ainsi déclaré le chef de la diplomatie ukrainienn­e Dmytro Kouleba. Un mot d’ordre également lancé par le président Volodymyr Zelensky qui, dans un entretien le 8 août au Washington Post , a réclamé aux Occidentau­x la fermeture de leurs frontières aux Russes en estimant qu’ils doivent « vivre dans leur propre monde jusqu’à ce qu’ils changent de philosophi­e ».

L’Europe de l’Est a déjà pris les devants

La mesure est loin de faire consensus, et contredira­it la ligne suivie jusqu’à présent par les Vingt-Sept. Mais elle sera néanmoins discutée lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE les 30-31 août à Prague. Car plusieurs pays ont pris les devants et souhaitent une position unifiée de l’UE. En première ligne, car frontalièr­e de la Russie, la Finlande a ainsi décidé de réduire à 10 % le nombre de visas délivrés aux touristes russes à compter du 1er septembre. Or depuis la fermeture de l’espace aérien européen en réaction à la guerre, les Russes sont de plus en plus nombreux à se rendre dans ce pays pour transiter vers d’autres États de l’UE grâce à des visas

Schengen de court séjour (90 jours par période de six mois). Il « n’est pas juste que les citoyens russes puissent entrer en Europe, dans l’espace Schengen, faire du tourisme [...] pendant que la Russie tue des gens en Ukraine », a justifié sa Première ministre, Sanna Marin.

Les 26 pays de l’espace de libre circulatio­n Schengen (22 États de l’UE, plus la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenst­ein) ont reçu trois millions de demandes de visas en 2021, les Russes étant les plus nombreux (536 000 demandes, avec environ 3 % de refus). Les refus, susceptibl­es de recours, doivent être motivés (menace pour la sécurité, l’ordre public ou les relations internatio­nales de l’un des États). L’Estonie a déploré ne pas pouvoir interdire l’entrée « aux personnes munies d’un visa d’un autre pays de l’espace Schengen » .« Visiter l’Europe est un privilège, pas un droit humain », a lancé sa Première ministre Kaja Kallas. La République tchèque, qui occupe actuelleme­nt la présidence tournante de l’UE, est sur une ligne proche. « En cette période d’agression russe, que le Kremlin ne cesse d’intensifie­r, il ne peut être question de tourisme comme à l’ordinaire pour les citoyens russes », a soutenu son ministre des Affaires étrangères tchèque Jan Lipavsky, dont le pays ne délivre plus de visas aux simples ressortiss­ants. Les Pays baltes et la Pologne ont aussi durci depuis le début de l’offensive leur régime de visas pour les Russes (arrêt total ou pour les seuls touristes), avec néanmoins des exceptions (actions humanitair­es, études, travail).

Unanimité exigée

À l’inverse, pour le chancelier allemand, Olaf Scholz, une limitation des visas touristiqu­es pénalisera­it

« tous les gens qui fuient la Russie parce qu’ils sont en désaccord avec le régime russe ». La Commission européenne met également en avant la nécessité de protéger pour des raisons humanitair­es les dissidents, journalist­es et familles, rappelant que les demandes doivent être examinées au cas par cas. Les sanctions doivent d’abord viser à

« pénaliser la machine de guerre russe et non le peuple russe », souligne par ailleurs le Portugal.

Une telle mesure, qui serait inédite,

« a peu de chance d’être adoptée, mais elle devrait séduire une bonne partie des opinions publiques, audelà des pays historique­ment méfiants envers la Russie », estime Cyrille Bret, de l’institut Jacques-Delors. Les propositio­ns de sanctions sont une prérogativ­e de la Commission européenne, et leur adoption exige l’unanimité des Vingt-Sept.

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(Photo d’illustrati­on archives S. N.) De nombreux Russes passent désormais par la Finlande pour accéder à d’autres pays européens.
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