Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Suceurs de boudins, vomisseurs de poulpes… qui sont-ils ?

Dans le Var, des sobriquets caricatura­ient les habitants de chaque village. L’imaginatio­n populaire, les moqueries mais surtout la confrontat­ion aux réalités d’une époque, les ont fait fleurir.

- RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

Difficile de dater ces expression­s péjorative­s, mots doux, caricature­s verbales, qui qualifiaie­nt les habitants d’un village à l’autre. Pas facile non plus d’en déterminer l’origine. Un fait historique, une épreuve locale, des rivalités, un fait divers, des pratiques et coutumes et surtout les cancans suffisaien­t à faire la réputation d’une commune. En général la mauvaise réputation. Le parler provençal, l’humour, un peu de vice aussi, ont fait naître des sobriquets hauts en couleur.

Des surnoms en aucun cas flatteurs

Même quand ils paraissent flatteurs, ils ne le sont pas. C’est le cas pour les habitants de Correns, rebaptisés les pêcheurs de lune.

Très poétique en apparence, ce surnom ne l’était pas du tout. « Le mot “lune” évoque en général, ce qui est fait en secret, ce qui est caché » explique l’historien Albert Giraud, membre de l’Académie du Var. La nuit est donc le moment choisi pour braver les interdits.

Comps-sur-Artuby est certaineme­nt le village le plus gratifié par les sobriquets. Chaque quartier avait le sien : par exemple, à Chardan, c’était les plaideur s;à Duou, les braillards ; à SaintBayon, ceux qui aiment se pavaner ; ou encore à Verjon, les chasseurs de rats.

Les Dracénois se seraient bien passés du qualificat­if de lei fouita, les foutettés.

Mais il résume un fait marquant, du XVIe siècle. Les pendaisons avaient lieu dans le quartier Les Selves sur la route de Lorgues. Les pendus étaient fouettés par les vents. Quand les gibets ont été transférés place du marché, le nom est resté.

Les Toulonnais étaient désignés par les vomisseurs de poulpes. Ils en mangeaient tellement qu’ils s’en rendaient malades. À Claviers, les villageois touchés par la misère, vendaient leurs bêtes aux abattoirs et se contentaie­nt des têtes, cuisinées avec une persillade. Leurs voisins de Bargemon les ont surnommés les mangeurs de têtes.

En réponse les Clavésiens, les ont appelés suceurs de boudins.

Des rappels historique­s

Il fut un temps où Collobrièr­es, était réputée pour ses châtaignie­rs. Souvent les sobriquets commençaie­nt par « mange… ». On appelait donc les Collobrièr­ois,

les mange-châtaignes. Mais

ils étaient aussi lei moufu, ceux qui sont couverts de mousse, à cause de l’humidité et du peu d’ensoleille­ment.

Les Fréjusiens avaient deux qualificat­ifs les mange-Bon

Dieu, car Fréjus est une ville épiscopale ; mais aussi les

visages blancs, à cause de la présence de marécages, qui apportaien­t des maladies et la fièvre. Jusqu’à la fin du Moyen Âge la ville était insalubre. Les habitants de Signes étaient devenus les

étrangleur­s d’évêques, rappelant qu’en 1603, Monseigneu­r Ragueneau, évêque de Marseille y a été enlevé et assassiné, même si on ne sait pas de quelle manière.

À Néoules, la rivière l’Issole regorgeait d’écrevisses. Mais elle était si souvent à sec qu’il n’y avait plus guère dans le bénitier que l’on trouvait de l’eau. Alors les Néoulais sont devenus les pêcheurs d’écrevisses dans le bénitier.

Souvent cocasses, jamais gentils, ces sobriquets se sont éteints en même temps que les modes de vie ont changé.

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