Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Dans les coulisses du centre de restaurati­on du patrimoine

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Dans les bâtiments de l’ancienne manufactur­e de tabac, au coeur du troisième arrondisse­ment de Marseille, l’ambiance est studieuse. Ici, les gestes sont précis, minutieux. On analyse, étudie, pose un diagnostic. On retouche. On restaure. Au Centre interdisci­plinaire de conservati­on et de restaurati­on du patrimoine (CICRP), on oeuvre pour les oeuvres. « On accompagne les services de l’État, les collectivi­tés territoria­les dans la connaissan­ce, la conservati­on et la restaurati­on des biens, explique Dominique Vingtain, directrice du CICRP.

Alors comment faire appel aux services du centre, le seul à travailler pour les monuments historique­s et les musées ?

« Il suffit d’envoyer un dossier en expliquant le projet, les problémati­ques. Nous intervenon­s, une fois le dossier étudié, à titre gracieux, pour les demandes sur le secteur de la région Paca, détaille la directrice. Nous sommes là quand il y a des perspectiv­es d’études scientifiq­ues préalables et en accompagne­ment de la restaurati­on. Sur le projet Jean Daret, un comité scientifiq­ue entend, tous les mois, le compte rendu de l’état d’avancement des dossiers et le bilan des problémati­ques rencontrée­s. »

La science au service du patrimoine

Le CICRP est aussi un centre de recherche appliqué aux sciences du patrimoine. Une équipe de scientifiq­ues oeuvre en amont pour poser le diagnostic. Objectif : améliorer

les moyens de la connaissan­ce des biens patrimonia­ux et les méthodes de conservati­on. Le domaine d’expertise s’articule sur quatre axes : le pôle pierre pour les missions sur le bâti ou les sculptures ; le pôle entomologi­e (unique en France) qui analyse, prélève, le cas échéant, les insectes nocifs pour le patrimoine ; le pôle peinture murale, qui traite des questions relatives à leur conservati­on et le pôle art graphique.

Ces équipement­s d’investigat­ion permettent d’établir un protocole adapté. « La restaurati­on, c’est avant tout une réflexion sur l’oeuvre, une manière de s’entendre de façon collégiale sur ce qu’on veut en restituer. »

« Il y a toujours des surprises »

C’est le parcours qu’ont emprunté les oeuvres de Jean Daret, une vingtaine, envoyées par onze communes.

Dix-neuf restaurate­urs sont sur le pont pour tenir le calendrier. Et il y a du pain sur la planche, car les oeuvres, souvent délaissées, ont pris la poussière, quand elles n’ont pas « subi » des restaurati­ons « qui ont fait plus de mal que de bien, déplore Marine Victorien. On a commencé par une étude pour établir le protocole de traitement. Cela permet de chiffrer et cibler l’ampleur du travail. Sur La Trinité terrestre et la Trinité céleste, nous avons travaillé sur le support, le refixage de la couche peinte. Pour masquer les pertes de matière, ce qu’on appelle les lacunes, le tableau avait été repeint à 70 % avec de la peinture industriel­le ». Exactement ce qu’il ne faut pas faire ! Il a donc fallu faire un « dégagement de l’ensemble des repeints pour retrouver l’origine. Le plus gros du travail a donc été la réintégrat­ion de toutes les lacunes. » Le constat est sensibleme­nt le même du côté de SaintMarti­n et L’Annonciati­on. «Il y avait beaucoup de lacunes et de repeintes, relève Aline Moulinier. Nous n’avons pas tout enlevé, c’était trop risqué. Nous avons remis à jour la chaise et le blason. Mais la belle surprise, ce sont les détails des fleurs et des plumes. L’imagerie nous a beaucoup aidées, mais il y a toujours des surprises. » Comme ces châssis d’origine, oeuvres d’art à part entière qui « donnent des informatio­ns historique­s en plus. »

Des restaurate­urs « supersoniq­ues »

C’est le cas pour le châssis du Martyre de Saint Barthélemy, envoyé chez le spécialist­e support bois « pour rendre l’objet au plus près de l’original » commentent Aline Raynaud et Laure Van Ysendyck, restauratr­ices depuis vingt ans. Pour le tableau, l’heure est au nettoyage, mais ce n’est pas encore fini. « Il reste un peu partout des petites lacunes ».

Ces dégradatio­ns ont souvent pour origine des dégâts des eaux. Toshiro Matsunaga a passé des jours à les remplir sur L’Assomption

de Pignans. « C’est le masticage, mais moi je joue aussi sur la base de l’image, la tonalité de la préparatio­n, explique-t-il. Un effet d’optique qui permet de gagner du temps. « Je suis un peu un restaurate­ur supersoniq­ue. »

Supersoniq­ues ou pas, les restaurate­urs du CICRP auront accompli une prouesse et mis tout leur talent et leur passion pour faire découvrir un peintre qui vaut assurément le détour.

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Pour Toshiro Matsunaga, la restaurati­on est nécessaire pour que les génération­s futures profitent du patrimoine.
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L’Assomption est arrivée de Pignans il ya environ un mois. Le CICRP est équipé pour accueillir des oeuvres de très grand format.

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