Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Au QG de Fillon, mines déconfites et yeux rougis
La soirée électorale aura eu un goût amer chez Les Républicains. Mais les militants en sont persuadés : « Tout n’est pas perdu et il y aura une carte à jouer aux élections législatives »
La « remontada » n’a finalement pas eu lieu. Et la soirée électorale a tourné court au QG de campagne de François Fillon, rue FirminGillot, dans le 15e arrondissement parisien. Soupe à la grimace chez les militants, visages fermés des ténors Les Républicains : cinq mois après le plébiscite des primaires, la défaite a un goût des plus amers. Fourgons de gendarmerie, portiques de sécurité : les conditions de sécurité rappellent la menace terroriste ambiante. François Baroin est le premier ténor LR à arriver au QG. Une meute de journalistes investit les étages du bâtiment, croisant des militants plus ou moins accueillants. « Ma conviction, c’est que François Fillon est le meilleur. Mais on verra bien ce que les Français décideront. S’ils sont assez bêtes pour ne pas l’envoyer au second tour, ils en tireront les conséquences... », maugrée un retraité, qui refuse de donner son nom. La perspective de la défaite est déjà dans toutes les têtes. Ferreol Delmas, 19 ans, fait néanmoins le job : « On a de grandes chances d’être au second tour. Normalement, ça devrait passer », veut positiver ce jeune membre de l’équipe de campagne Fillon. Les élus continuent à défiler rue Firmin-Gillot. Manque le principal, guetté par ses partisans. Ces derniers ne se privent pas de renvoyer les journalistes à leurs supposées responsabilités, à l’image de Victoria, vigoureuse retraitée. « Ce qu’il a fait était légal, mettez-le vous dans le crâne ! », insiste-t-elle, doigts sur nos tempes pour mieux faire rentrer le message. « J’ai peur. Cette élection est tellement manipulée... Et là, on me dit que c’est Macron qui gagne. Ce petit c..., je ne le supporte plus ! » Geoffrey, 24 ans, joue la gagne quand même. « Fillon a fait une très belle fin de campagne. Et les Français l’ont bien perçu. » Les Français ont tranché. Pas de second tour pour François Fillon. Devant l’écran de France 2, l’assistance reste sans voix. Pas de cri. À peine une exclamation de stupeur en découvrant Mélenchon au coude à coude avec leur champion. « J’étais pourtant sûr qu’il serait au second tour – et même premier », assure Jean-Baptiste Guillot, responsable du progamme sport de Fillon. Fair-play, il votera Macron sans hésiter... Et « espère que François Baroin sera Premier ministre. » À ses côtés, Christian Fleuret paraît groggy. Militant ? «Jene sais pas, je ne sais plus ce que je suis..., balbutie-t-il. Quel que soit le Président, il sera mal élu. Et tous les autres sont mal battus. Ça va être le bazar! Je crains le pire pour notre pays. » Aurait-il fallu changer de candidat au plus fort de la tempête ? « On ne va pas refaire le match », tranche le député Daniel Fasquelle. Pour le trésorier des Républicains, « la mère des batailles, ce sera les législatives. » « Fillon ! Fillon ! » La mort dans l’âme, les yeux parfois rougis, les supporters accueillent sous les applaudissements leur champion à terre. « Ne vous dispersez pas, restez unis », exhorte François Fillon, l’air las. Pourtant, la division pointe dès qu’il évoque son choix pour le second tour. « Je ne le fais pas de gaîté de coeur... » Cris de réprobation. « Je voterai en faveur d’Emmanuel Macron. » Les « bravos » l’emportent finalement. Trois minutes de discours et puis s’en va. « Il y a une certaine division au sein des électeurs Fillon. Clairement, une partie va voter Front national et une partie Macron », pense Timothée Libersart, 33 ans, lui-même indécis.
Et maintenant ? « Victoire ou pas, on va aller dîner quand même!, s’efforce de sourire Lionel Tardi, député de la Haute-Savoie. À présent, les masques vont tomber chez Macron. Il y aura une carte importante à jouer aux législatives... » Pour l’heure, les ténors du parti n’entendent pas épiloguer. Pas en public du moins. François Baroin, Jean-Pierre Raffarin restent silencieux face aux caméras. Un jeune militant vient en réconforter un autre, visage rageur : « Ça fait mal, hein... Ça fait très mal. Allez, maintenant on repart au combat ! »
À PARIS, CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr