Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Patrick Gruau chasseur de bugs et discriminations
Défenseur des droits est un travail bénévole, à plein-temps. Ni avocat, ni pourvoyeur de faveurs, le Varois Patrick Gruau aide les citoyens face aux dysfonctionnements des services publics. Médiateur
De ses années militaires, il a gardé un sens certain de la discrétion. L’homme n’est pas à l’aise avec l’idée de parler de lui. Sauf si c’est pour que «les gens sachent dans quelles situations ils peuvent s’adresser à nous et sur quels points, nous pouvons les aider». Patrick Gruau est défenseur des droits. Un parmi les six délégués désormais installés dans le Var, qui reçoivent sur rendez-vous des citoyens lambda, aux prises avec un dysfonctionnement de l’administration ou d’un service public. Leur mission s’étend aussi à la lutte contre les discriminations, dans tous les domaines – orientation sexuelle, handicap, travail, logement… «Sur ce point, j’ai découvert que les discriminations existent. Et que les femmes sont les plus touchées, reconnaît Patrick Gruau, devenu sensible à la cause féminine. Ces discriminations sont souvent liées aux congés maternité». En général, assure-t-il, «quand le défenseur des droits est saisi, la situation se règle». Et même assez vite. Ce fut le cas de Sylvie, cadre de santé en milieu hospitalier. Depuis son enfance, cette femme a développé des capacités d’adaptation qui lui ont permis de surmonter «un handicap auditif important». Lorsqu’elle a eu à annoncer à son supérieur sa «différence», elle a été remise en cause dans ses compétences. Avant de perdre son bureau… et son poste de travail. «Auprès de Patrick Gruau, j’ai trouvé écoute, empathie, confiance. Et efficacité», se remémore-t-elle avec gratitude. «Je ne voulais pas entrer en contentieux. Ni en découdre. Je cherchais une solution.» Celle-ci est arrivée à grande vitesse. « Si vous ne faites pas savoir ce que vous subissez, si vous ne protestez pas, vous restez isolé. Un pouvoir hiérarchique n’est pas un pouvoir universel».
« Faire quelque chose d’utile »
Dans ses vies antérieures, Patrick Gruau a porté l’uniforme. «Je ne voulais pas prendre la suite de l’entreprise de mon père dans le bâtiment, ni travailler dans un bureau». Ce fut réussi. Gendarme pendant trente ans, commandant de plusieurs brigades dans la région (nautique à La Ciotat, territoriale à La Garde), il fut aussi membre de la section de recherche de Marseille. La perquisition dans le laboratoire clandestin d’héroïne de Saint-Maximin en 1981 reste un grand souvenir. « J’étais jeune enquêteur, je voyais pour la première fois un labo, avec de grandes quantités de drogue. Et je voyais le juge Michel». Trois mois avant que ce dernier ne soit assassiné. Les missions se sont succédé, jusque sur le continent africain, au coeur des conflits. Quand Patrick Gruau a raccroché, il est passé à autre chose. Mais il a continué. « J’avais besoin de faire quelque chose d’utile, d’être immédiatement efficace».
Noeuds administratifs
En 2014, le militaire à la retraite est devenu défenseur des droits. « Je suis occupé à plein-temps ! », s’exclame-t-il. En 2015, il a été saisi 245 fois, dont plus de 80 demandes liées à un dysfonctionnement des services publics. «On prend en compte toutes sortes de problématiques personnelles. On peut mettre en avant l’aspect humain d’un dossier». Mais ce n’est pas un chèque en blanc. «On vérifie ce qu’on nous dit. On n’est pas des pourvoyeurs de faveurs.» Le défenseur interroge les administrations. «Et honnêtement, les administrations sont à l’écoute. On a l’impression de travailler dans l’efficacité». 90 % du travail consiste à démêler des noeuds administratifs. Que ce soit avec les caisses de retraite, l’Urssaf, Pôle emploi, la Cpam… « L’administration est complexe, reconnaît-il. Mais efficace». Dans plus de 70 % des cas, la médiation permet de faire aboutir le dossier. Même avec le RSI, inflexible caisse des indépendants : «Les dossiers qu’on traite ne partent pas beaucoup au contentieux. Ça fonctionne donc bien.» Depuis hier, une nouvelle permanence du défenseur des droits est ouverte, à Solliès-Pont. «Nous avons reçu un très bon accueil par la mairie», apprécie Patrick Gruau, qui y viendra une fois par semaine. La porte est ouverte.
J’ai découvert les discriminations faites aux femmes ” On peut mettre l’aspect humain en avant ”