Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Emilien ambassadeu­r de ses «frères»

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Cette fois, Emilien est venu en train. En avril, lors du précédent stage, il n’avait pas pu. « Trop confiné... » Alors Emilien avait avalé en voiture les 867 km de Bordeaux à Beuil. Bien lui en a pris. Ses pairs du Crebat 6 (Centre de ressources des blessés de l’armée de terre) l’ont élu ambassadeu­r auprès de leurs successeur­s. Sans hésiter. Un gage de confiance, autant qu’une reconnaiss­ance. Revoici donc Emilien, 40 ans dont dix-huit au sein de l’armée de terre, quatorze missions en Afghanista­n. En août 2014, il est caporal-chef de 1e classe, en Guyane, quand surgissent les symptômes du stress post-traumatiqu­e. « Je commençais à ne plus me comprendre, plus me gérer. Les cauchemars m’empêchaien­t de vivre. Quand tu dois prendre une cuite pour dormir après quatre nuits blanches, ce n’est pas normal... » Emilien alerte alors sa hiérarchie. Il est admis à l’hôpital militaire RobertPicq­ué. Ergothérap­ie. Groupes de parole. Un protocole médical est mis en place. « L’armée ne t’abandonne pas. Dans notre état, c’est hyper important d’être compris. » Emilien parvient ainsi à « faire ressortir ce que [il ne peux pas confier aux autres. Même [sa] famille ne peut pas comprendre.» De l’Afghanista­n, du Mali, Emilien ne dira donc rien. Préférant couper net dès qu’on évoque ces souvenirs douloureux. Il confie, en revanche, les tourments qui ont agité sa vie personnell­e, alors que l’armée l’avait affecté à l’alerte Guépard «Je ne m’occupais plus de mon petit. Ni de ma femme. La nuit, je descendais au garage, et… »

« Confiance et conscience »

Emilien craque. Marque une pause. Puis se reprend, volontaire, regonflé, pour mesurer le chemin parcouru depuis. Notamment les progrès accomplis à Beuil. « On se construit à travers le sport, les ateliers, le coaching... Le stage t’amène à prendre confiance et conscience. Ça a bien marché pour deux tiers d’entre nous. Après, le retour a été un choc, comme si on était revenu de mission... Alors je me suis forcé à sortir. Ne serait-ce que pour faire les courses. » Pour prolonger l’aventure, les anciens du Crebat 6 ont créé un groupe Facebook. Parce que les liens tissés à Beuil, assure Emilien, « c’est plus que des liens d’amitié. On est des frères! Frères d’armes et frères civils. » Sa famille, biologique celle-là, a perçu les bienfaits du stage pour Emilien. Surtout son fils. «Depuis, on retourne jouer au foot ensemble, on va à la piscine chaque semaine… Plein de trucs que papa, il faisait plus. Même lui, ça se voit qu’il est mieux. »

(1) Dispositif reposant sur des réserviste­s prêts à intervenir en cas de crise sur le territoire national.

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